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3.3 Course à l'innovation

En étant la première à innover la firme peur obtenir un avantage concurrentiel de deux types différents :

Quelque soit la raison de cet avantage concurrentiel, les firmes l'anticipent et investissent des sommes colossales en R&D dans certains industries.

Le choix de cette stratégie peut être modélisé comme un jeu assez simple.

Nous allons utiliser un tel jeu pour répondre aux questions suivantes concernant la découverte d'un nouveau produit ou de procédé :

Pour simplifier le problème, supposons que les firmes associent une valeur $ V$ à cette innovation. Cela peut correspondre à la valeur actualisée des suppléments de profits qui peuvent provenir d'un avantage concurrentiel ou d'une position de monopole obtenue grâce à un brevet.

Considérons un duopole où chaque firme peut investir une somme $ I$ dans la création d'un laboratoire de recherche en vue de réaliser la R&D.

Le résultat de cette recherche est naturellement incertaine : si la firme investit $ I,$ la probabilité de la découverte est $ \alpha\in\left[
0,1\right] $ (elle est égale à zéro sinon).

Suite à son investissement en R&D, la firme obtient

\begin{displaymath}
\begin{array}[c]{ll}
V & \text{si elle est seule \\lq {a} d\'{e...
...e}e,}\\
0 & \text{ si elle ne d\'{e}couvre rien.}
\end{array}\end{displaymath}

3.3.1 R&D d'équilibre dans la course à l'innovation

Etant donnée la nature incertaine de la découverte, nous devons utiliser les profits espérés pour évaluer les gains (neutralité vis-à-vis du risque).

Notons par E $ \pi_{j}\left( n\right) $ le profit espéré de la firme $ j$ $ \left( j=1,2\right) $ quand $ n$ firmes $ \left(
n=0,1,2\right) $ investissent en R&D.

La stratégie de la firme $ j$ (son investissement en R&D) peut être représentée par

$\displaystyle i_{j}\in\left\{ 0,I\right\} .
$

\includegraphics[
height=2.961cm,
width=4.703cm
]
{invest.eps}

a) $ j$ est seule à investir en R&D

Dans ce cas, elle fait face à la loterie suivante :

$\displaystyle \mathbf{E}\pi_{j}\left( 1\right)$ $\displaystyle =\alpha\left( V-I\right) +\left( 1-\alpha\right) \left( -I\right) =\alpha V-I,$    
$\displaystyle \mathbf{E}\pi_{j}\left( 1\right)$ $\displaystyle \geq0\Leftrightarrow\alpha\geq I/V.$ ($ Condition$ $ 1$)

Par conséquent, la stratégie optimale de la firme dans ce cas est donnée par

\begin{displaymath}
i_{j}^{\ast}=\left\{
\begin{array}[c]{ll}
I & \text{si }\alpha\geq I/V\\
0 & \text{sinon.}
\end{array}\right. .
\end{displaymath}

b) les deux firmes investissent en R&D

Dans ce cas, chaque firme fait face à une double incertitude

Comme les processus de découverte des deux firmes sont indépendants, nous allons utiliser la même distribution de probabilité pour les deux firmes et pour générer la distribution jointe :

$\displaystyle \begin{tabular}[c]{cc\vert ccc}
& & \multicolumn{2}{\vert c}{Firm...
...ight) $\\  \hline
& & $\alpha$\ & $\left( 1-\alpha\right) $\ & $1$\end{tabular}$

Distribution jointe de probabilités

Nous pouvons alors décrire les différents évènements possibles :

Evènement $ \pi_{1}$ Probabilité
$ 1$ ne découvre pas , $ 2$ découvre $ 0-I$ $ \alpha\left( 1-\alpha\right)
$
$ 1$ ne découvre pas, $ 2$ ne découvre pas $ 0-I$ $ \left( 1-\alpha\right) ^{2}
$
$ 1$ découvre, $ 2$ découvre $ V/2-I$ $ \alpha^{2}$
$ 1$ découvre, $ 2$ ne découvre pas $ V-I$ $ \alpha\left( 1-\alpha\right)
$

Nous pouvons alors calculer le profit espéré de la firme $ j$

$\displaystyle \mathbf{E}\pi_{j}\left( 2\right) =\alpha\left( 1-\alpha\right) \l...
...t) +\alpha^{2}\left( V/2\right) -I=\frac{1}{2}\alpha\left(
2-\alpha\right) V-I
$

Par conséquent,

$\displaystyle i_{1}^{\ast}=i_{2}^{\ast}=I,$ si $\displaystyle \mathbf{E\pi}_{j}\left( 2\right) \geq0\Leftrightarrow$ si $\displaystyle \frac{1}{2}\alpha\left( 2-\alpha\right) \geq I/V.$ ($ Condition$ $ 2$)

La figure suivante représente les différentes valeurs de $ I$ et de $ \alpha$ correspondant à ces deux conditions.

\includegraphics[
height=7.6728cm,
width=13.026cm
]
{race1.eps}

Cette figure met en rapport le coût relatif de la R&D $ \left(
I/V\right) $ et la probabilité de succès de l'innovation $ \left(
\alpha\right) .$

1.
Quand cette probabilité est trop faible, alors même pour des coûts assez faibles, les firmes refuseront d'investir en R&D même si chacune anticipe avoir le monopole (Zone I).

2.
Pour des valeurs intermédiaires de cette probabilité, la R&D est intéressante si et seulement si la firme anticipe être seule à innover (Zone II).

3.
Pour des valeurs suffisamment élevées, les firmes investiront même si elles risquent de partager les fruits de l'innovation avec leur concurrent (Zone III).

Nous pouvons alors représenter le jeu en forme normale en utilisant les espérances de profits :

\begin{displaymath}
\begin{tabular}[c]{cc\vert cc}
& & \multicolumn{2}{\vert c}{...
...1}{2}\alpha\left( 2-\alpha\right) V-I
\end{array}$\end{tabular}\end{displaymath}

Or,

$\displaystyle \frac{1}{2}\alpha\left( 2-\alpha\right) V-I=\left( \alpha V-I\right)
-\frac{1}{2}\alpha^{2}V\leq\alpha V-I
$

Par conséquent, si $ \alpha V>I,$ on a deux EN : $ \left( 0,I\right) $ et $ \left( I,0\right) $ dans la zone II. Une seule firme investit alors en R&D à l'équilibre.

Si l'on est dans la zone III, un seul EN persiste : $ \left( I,I\right) .$

3.3.2 R&D et bien-être social

Dans les équilibres de la zone II, la probabilité de réalisation d'une découverte est de $ \alpha$ et le coût de la R&D pour la société est $ I.$

Si les deux firmes investissaient en R&D alors, pour la société, la probabilité d'apparition de l'innovation serait de $ 2\alpha$ et le coût de l'innovation $ 2I.$

Si l'on tient compte de l'effet de l'innovation sur le bien-être des consommateurs (par le biais d'une baisse de prix) alors, globalement, l'engagement d'une firme unique en R&D ne serait socialement optimal que si les effets sur les profits anticipés et les coûts fixes sont plus importants que l'effet sur le surplus des consommateurs. Notre modèle très simple ne nous permet pas d'étudier cet effet global.

Si l'on ne se base que sur les profits anticipés pour évaluer le bien-être social (en négligeant l'effet sur le bien-être des consommateurs) :

$\displaystyle \mathbf{ES}^{P}$ $\displaystyle =\mathbf{E}\pi_{1}+\mathbf{E}\pi_{2}$    
  $\displaystyle =\left( \begin{array}[c]{ll} \alpha V-I & \text{avec }\left( I,0\...
...u2\alpha V-\alpha^{2}V-2I & \text{avec }\left( I,I\right) . \end{array} \right)$    

\begin{displaymath}
\begin{array}[c]{rll}
\text{\textbf{Zone II}} & & \text{\tex...
...pha V-I & >0\\
0> & 2\alpha V-\alpha^{2}V-2I & >0
\end{array}\end{displaymath}

Dans ce cas l'engagement d'une seule firme en R&D est socialement préférable si

$\displaystyle \alpha V-I>2\alpha V-\alpha^{2}V-2I\Leftrightarrow\alpha\left( 1-\alpha \right) <I/V$ ( $ Condition\,\,3$)

Nous représentons cette condition dans la figure suivante :

\includegraphics[
height=8.703cm,
width=12.9184cm
]
{race2.eps}

Par conséquent, l'investissement par une seule firme n'est sous-optimal que si l'on est dans la zone IV où l'investissement par les deux firmes est préférable. Cette zone correspond en fait à un coût de la R&D relativement faible.

$\displaystyle \mathbf{ES}^{P}<0\quad et\quad\mathbf{E}\pi_{j}\left( 2\right)
>0,\,\,j=1,2,\quad
$

$\displaystyle quand\quad\alpha\left( 1-\alpha\right) V<I<\alpha V.
$


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Murat Yildizoglu