Licence Analyse et Politiques Economiques

Année 1999-2000

 

 

 

 

CROISSANCE ET POPULATION

 

 

 

CANALIS Emilie
EBERT Corinne

 

 

PLAN

 

Partie introductive : le rapport croissance et population

  1ère partie : les théories de la croissance : le tout et son contraire ?

 A/ le malthusiannisme
1)      Malthus et sa thèse
2)      Le néo-malthusiannisme
B/ le populationnisme
1)      les précurseurs
2)      le néopopulationnisme
 C/ la thèse d’A. Sauvy ou la thèse de l’optimum de population

 

2ème partie : les faits

A/ les constatations
1)      la France
2)      les Etats-Unis
3)      le Japon
4)      le Mozambique
5)      le Zimbabwe
B/ les interprétations

  Conclusion

 Bibliographie

 

 


 

Partie Introductive : le rapport CROISSANCE ET POPULATION

 

 

Le constat population et croissance nous amène à nous interroger sur de nombreux phénomènes tels que la transition démographique, les théories, les bilans démographiques ou encore l’évolution de la population.

 

De nombreuses études sont faites à ce sujet, on peut observer un grand nombre de recensements, de chiffres et de prévisions.

 

 L’ère du 20ème siècle se caractérise comme un phénomène d’explosion démographique ; en 1987, l’humanité a dépassé le chiffre fatidique de 5 milliards d’hommes, soit 5 fois plus qu’au début du 19ème siècle. Ce constat renforce le dilemme : population, ressources et environnement. Parallèlement, l’état actuel de la démographie mondiale se caractérise par une extrême hétérogénéité, la répartition des hommes est fortement irrégulière à la surface des continents.

 

 Le phénomène de transition démographique reste un grand sujet d’analyse. Il se définit comme un processus au cours duquel une population passe d’une phase de croissance à la phase ultime de stabilisation. La transition démographique est une période de déséquilibre entre l’ancien régime démographique et le régime contemporain caractérisée par deux phases. Dans la 1ère, le taux de mortalité baisse alors que le taux de natalité reste élevé, dans la 2ème phase, le taux de natalité baisse également jusqu’à atteindre un équilibre de bas niveau. Dans les pays industrialisés de l’hémisphère Nord et dans les zones tempérées australes, la transition est achevée ou en passe de l’être, alors que dans les pays du Tiers Monde, cette dernière est anarchique. Les Pays développés industrialisés ont su bénéficier des progrès en matière de médecine, d’hygiène et de contraception tandis que les pays en voie de développement affichent encore des forts taux de natalité, ce qui les conduit à un taux d’accroissement naturel autour de 3% par an ! Le problème s’articule autour d’un constat évident. Comment réguler le nombre d’hommes à une valeur optimale compatible à un développement durable ? 

 

Les défis démographiques sont à appréhender de manière distincte. Du côté des pays pauvres, les grands chiffres d’accroissement démographiques renforcent les difficultés en ce qui concerne une croissance économique durable. La causalité est inversée pour les pays d’Asie de l’Est et du Sud - Est et pour ceux d’Amérique Latine où ce sont les efforts de développement social de nature plus étendue, la croissance et un meilleur niveau de vie qui ont conduit au phénomène de régulation des naissances et de familles moins nombreuses.

 

Les estimations et prédilections démographiques se font de plus en plus nombreuses. Il est dit qu’à partir des années 2010-2020, la situation démographique va à nouveau complètement changer. En France, comme dans les années 70, la proportion des 40-60 ans sera faible mais cette fois au profit des plus de 60 ans. Les statistiques laissent penser qu’on repassera à un équilibre différent des années 90 avec une population active réduite, et une population en âge de la retraite en hausse. Une nouvelle question se pose : si la croissance crée des emplois et permet de résorber le chômage, pourrait-elle buter sur une pénurie généralisée de main d’œuvre ?

Les questions en matière de population et croissance sont encore nombreuses, nous allons cependant nous attacher à deux points essentiels.

 

Le débat population croissance tente de répondre à la question : la croissance démographique est-elle un moteur ou un frein à la croissance économique ?

 

 Après l’exposé des théories de Malthus et populationniste, nous tenterons d’analyser les faits statistiques en terme de taux de croissance  et d’évolution démographique dans différents pays. Enfin, nous essayerons de comparer ces faits aux théories exposées pour voir s’il existe une corrélation entre les deux phénomènes de croissance et de population et si oui, quelle est-elle ?

 

Pour mieux comprendre :

 

 

 

 

1ère partie : Les théories de la croissance démographique : tout et son contraire ?

 

 

La question de ce rapport est de savoir si la croissance démographique constitue ou non un facteur de la croissance économique, c’est-à-dire si l’augmentation de la population est une condition ou au contraire un blocage à l’enrichissement d’un pays…

Dans cette partie, nous allons étudier les grandes théories de la croissance démographique, à savoir le malthusiannisme et le populationnisme.

 

 

A / Le malthusiannisme

 

1)  Malthus et sa thèse

 

Thomas Malthus (1766-1834) était un prêtre britannique, mais également un économiste libéral. Sa thèse est bien connue de tout le monde : la population croît selon les termes d’une suite géométrique (1,2,4,8,16…), alors que les subsistances (la production agricole) croient selon les termes d’une suite arithmétiques (1,2,3,4,5…). D’où le fait est qu’il y aura nécessairement  pénurie ! Malthus ici se sert de la  « loi des rendements décroissants » de la production agricole pour expliquer ce décalage entre les ressources et la population. 

 

Notons cependant que Malthus écrit dans la période même où la transition démographique est à son paroxysme en Angleterre, c’est-à-dire avec un accroissement naturel considérable ; il paraît important de prendre en compte ce contexte pour mieux comprendre le caractère alarmant de la thèse de Malthus.

 

Pour lui, la seule solution (radicale) reste la contrainte morale, c’est-à-dire l’abstinence et la chasteté, puisqu’il faut à tout prix limiter la croissance démographique, pour éviter qu’elle ne dépasse les potentialités de la production. 

 

 

Critique de Karl Marx :

 

Karl Marx  (1818-1883) fut un des premiers à rejeter les thèses de Malthus et surtout l’idée de « loi naturelle » indépendante des conditions de production. Pour lui, la surpopulation n’est que relative et la conséquence de l’état des techniques à un moment donné. Pour lui, les limites de la planète évoluent avec le progrès technique et le niveau de développement : « La surpopulation relative n’a pas la moindre relation avec les moyens de subsistances comme tels mais avec la manière de les produire » (K. Marx, Œuvres, tome 2, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1977).

 

 

2)  Le néo-malthusiannisme

 

Pour les néo-malthusiens, il existe un certain nombre d’arguments qui plaident en faveur d’une croissance démographique faible (mais ces arguments concernent plus directement le développement que la croissance économique en tant que telle).

 

Au niveau microéconomique, le premier argument consiste à dire que réduire le nombre d’enfants par femmes permet d’augmenter le niveau de vie.

Au niveau macroéconomique, les ressources naturelles étant limitées, le fait de ne pas maîtriser la croissance démographique, implique que l’on surexploite le sort des générations futures.

 

Finalement le malthusiannisme préconise une faible croissance démographique pour assurer une meilleure croissance économique (ou en tous les cas ne pas l'entraver). Mais les arguments du courant « récent » restent des arguments essentiellement qualitatifs, c’est-à-dire qui concerne le développement plutôt que l’augmentation des richesses (quantitatifs).

Mais aujourd’hui, il subsiste ce discours néo-malthusien, alimenté par la forte croissance démographique des pays du tiers-monde.

 

 

 

B / Le populationnisme 

 

Jean Bodin (1530-1596) : « il n’est de richesses que d’hommes ».

On comprend alors que la thèse populationniste est l’opposé de la thèse de Malthus.

 

 

1)      Les précurseurs

 

Des auteurs comme Vauban, F. Quesnay et J. Bodin voyaient dans l’homme la seule richesse d’un royaume.

Leur théorie est que si les hommes sont la force d’une nation et que leur nombre augmente, la production suivra et le pays n’en sera que plus puissant. Ce qui revient à dire que la croissance démographique est un facteur permissif de la croissance économique.

 

 

2)  Le néopopulationnisme

 

Ce courant est souvent illustré par la thèse d’Esther Boserup (milieu des années soixante), encore appelée la thèse de la pression créatrice : la croissance de la population fait pression sur l’amélioration des techniques de production (hausse du progrès technique et de l’innovation favorisée). En fait, pour cet auteur, ce n’est pas la richesse qui détermine la population, mais la population qui détermine la richesse, grâce notamment à cette pression créatrice qu’elle génère.

 

Finalement, pour les néopopulationnistes, la croissance démographique ne constitue en rien un frein mais plutôt un stimulant pour la croissance économique.

 

 

C / La thèse d’Alfred Sauvy ou la thèse de l’optimum de population

 

Selon les études de cet auteur, il n’y a pas de corrélation directe entre croissance démographique et croissance économique, puisque tous les cas existent. En effet, on peut avoir le cas d’une faible croissance démographique avec en parallèle une faible croissance économique (exemple avec la France entre les deux guerres) ou bien encore la situation d’une forte croissance de la population avec une faible croissance économique (exemple avec le tiers-monde) ou enfin le cas d’une faible croissance démographique et d’une forte croissance économique (exemple avec le Japon dans les années soixante-dix, quatre-vingt).

 

Donc finalement, pour A. Sauvy, il est nécessaire de faire une étude cas par cas, puisqu’il n’existe pas de cas général où la corrélation entre croissance démographique et croissance économique serait directe. Tout dépend du pays et de sa situation (pyramide des âges, choix sociaux et politiques, etc…).

 

 

Alors qu’en est-il vraiment de la relation entre croissance et population ? Dans la deuxième partie, nous allons essayer de voir si les faits correspondent ou non aux théories présentées ci-

 

 

 

2ème partie : Les faits

 

 

 

S’il y a, à l’évidence, des liens étroits entre croissance démographique et croissance économique, il est difficile de quantifier leurs effets réciproques.

 

L’état actuel de la démographie mondiale se caractérise par une extrême hétérogénéité, la répartition des hommes est fortement irrégulière à la surface des continents.

 

Nous allons dans cette partie comparer les faits statistiques en matière de population et de PIB par tête (en dollars) pour différents pays.

 

Le débat va s’articuler autour de la question :

 

Existe-t-il une corrélation entre les deux phénomènes de croissance économique et de croissance démographique, et si oui, quelle est-elle ?

 

 

 

A/ les constatations

 

1)      la France

 

 

La population progresse à un rythme croissant depuis le milieu du vingtième siècle, passant de 42 millions d’habitants en 1950 à environ 60 millions aujourd’hui.

Parallèlement, le PIB par tête a lui aussi augmenté de façon plus ou moins régulière, on note cependant un léger ralentissement dans les années 70 dû aux crises pétrolières.

On constate donc une corrélation positive entre les 2 phénomènes.

 

2)      les Etats-Unis

 

En ce qui concerne les Etats-Unis, la population a elle aussi connu une évolution croissante depuis les années 50, avec encore une plus grande régularité que la population française.

 

Le PIB par tête a lui aussi progressé sur la période, avec néanmoins une petite irrégularité et une légère stagnation jusque dans les années 60. Tout comme en France, les Etats-Unis ont été touchés par les crises pétrolières de la fin des années 70.

 

 

De nouveau, on constate une corrélation positive entre les 2 phénomènes.

 

3)      le Japon

 

Le cas japonais nous montre les mêmes caractéristiques que pour les 2 cas précédents. La population et le PIB par tête du pays ont évolué de manière croissante sur toute la période.

 

 

 

La corrélation est une fois de plus positive. Néanmoins, la courbe de la population est sur la fin de la période plutôt concave alors que la courbe du PIB par tête est convexe.

 

4)      le Mozambique

 

Les résultats de ce pays d’Afrique tranchent avec les statistiques précédentes. En effet, la population du Mozambique connaît une forte progression depuis la fin des années 50 mais à l’inverse, son PIB par tête régresse depuis le début des années 70.

 

 

 

Le graphique nous affirme donc une corrélation négative entre les 2 phénomènes de croissance et de population depuis 1973.

 

5)      le Zimbabwe

 

Les statistiques de ce pays se caractérisent encore différemment des précédentes. Alors que sa population augmente à un rythme régulier, son PIB par tête évolue de manière très irrégulière.

 

 

 

La corrélation n’est donc pas évidente.

 

 

FRANCE

ETATS-UNIS

JAPON

MOZAMBIQUE

ZIMBABWE

Population

+ 43%

+ 73%

+ 48%

+ 120%

+ 250%

PIB / tête

+250% (*3.5)

+ 112% (*2)

+ 464% (*8)

+ 42% (1973) – 59%

+ 12%

 

 

 

B/ les interprétations

 

De par les faits, la corrélation entre les deux phénomènes de croissances économique et démographique se différencie selon les pays.

 

·        Pour la France, les Etats-Unis et le Japon, la corrélation semble positive. Ces pays s’inscrivent donc dans la théorie populationniste, la croissance démographique se présentant comme un facteur moteur de la croissance économique.

 

·        Le Mozambique, pays d’Afrique, présente les caractéristiques inverses. Alors que sa croissance démographique est encore l’une des plus importantes au monde, elle semble être un frein à la croissance économique confirmant ainsi la thèse de Malthus.

 

·        La relation semble pourtant moins claire avec l’exemple du Zimbabwe d’où on ne peut tirer aucune conclusion confirmant l’une des deux grandes théories. Les faits ne traduisent aucune corrélation positive ou négative entre population et croissance.

 

Que peut-on en dire ?

 

On remarque que les pays présentant une corrélation positive entre les phénomènes de croissance et population sont des pays développés, industrialisés, et qui ont achevé leur transition démographique. Ces pays à économie de marché ont connu une période de forte fécondité, de l’après-guerre jusqu’au milieu des années soixante, mis à part l’exemple du Japon qui a connu une situation différente. Le baby-boom a eu effectivement un impact positif sur la croissance en entraînant une augmentation de la demande, des investissements, et de la production.

 

A l’inverse, les pays à corrélation négative restent généralement des pays du tiers-monde. Les années 50-60 ont été marquées par une très forte croissance démographique expliquée par la combinaison de deux phénomènes : un allongement de l’espérance de vie (et donc un recul de la mortalité) et le maintien d’une forte fécondité. Cette forte croissance de la population a été considérée comme un danger majeur et un frein au développement. Cependant, certains auteurs

 (comme le démographe J.C CHESNAIS ) pensent qu’à l’exception de l’Afrique, cette poussée démographique a eu un effet positif sur la croissance économique en jouant à la fois sur le facteur travail, la consommation et l’investissement.

 

Ainsi, on serait tenter de conclure que pour les pays du Nord (développés), la corrélation est positive, et que pour ceux du Sud, la corrélation est négative. Cependant, il ne faut pas faire de conclusions trop hâtives, puisque le contre exemple du Zimbabwe ne nous permet pas de généraliser la relation et nous montre que finalement les rapports entre la croissance démographique et économique restent un sujet d’analyse au cas par cas.

 

Pour mieux comprendre ces différences, on pourrait s’attarder sur le fait que la population d’un pays n’est pas à appréhender dans son ensemble mais que la richesse de celui-ci dépend à la fois du nombre d’actifs et de leur répartition dans les différents secteurs. Au-delà de cette contribution quantitative, c’est de la qualité de cette main d’œuvre ( et de la combinaison productive) que va dépendre la productivité du travail et donc la production globale.

 

 

Conclusion

 

 

 

 

 

Le lien entre croissance démographique et croissance économique (et développement si l’on élargit un peu) est loin d’être direct ; de nombreuses autres variables doivent être prises en compte dans le débat.

 

Le facteur travail constitue un des piliers de l’analyse. En effet, il nous semble nécessaire de prendre en considération la qualité de ce facteur pour comprendre la diversité du problème selon les pays. On peut constater qu’une croissance démographique forte accompagnée d’un niveau de qualification développé (éducation, formation…) constitue un des moteurs  de la croissance économique (exemple de la Chine et de l’Asie du Sud en général). 

 

A l’inverse, une croissance démographique forte avec en parallèle une incapacité à développer un niveau de qualification entraînera une croissance économique faible (exemple de l’Afrique, sauf le Maghreb).

 

            Le débat est donc à appréhender plus en détails. Finalement, la diversité des situations nationales doit inviter à la méfiance à l’égard des solutions simplistes.

 

 

Bibliographie

 

·        Théorie générale de la population, Alfred SAUVY.

·        Encyclopédie Autodidactique, collection Quillet, 1993.

·        Internet, http : // www.ined.fr

·        Internet, http : // www.plan.gouv.fr(démographie, développement économique et finances publiques)

·        Libération, du 15 juillet 1998, « ce que prédit la démographie », par Patrick Artus.

·        Internet, http : // www.insee.fr

·        Problèmes économiques N° 2505, janvier 1997.

·        Population et sociétés N° 2632, septembre 1999.

·        SES Terminale ES, Bordas, sous la direction d’Albert Cohen.

·        SES Terminale ES, collection Alain Gélédan, Belin.

·        Revue OFCE, Observation et diagnostics économique, avril 1995, N° 53, Presse de la fondation nationale des sciences politiques.

·        Phases du développement capitaliste, Angus Maddison, 1981, Economica.

·        Summers – Heston Penn World Tables Mark 5.6