Dossier A3
La croissance économique
en Occident de 1918 à 1970

LOMONT JULIA

Licence APE 1998/99

Introduction 

D'après l'économiste français François Perroux, " la croissance est définie comme un accroissement durable de la dimension d'une unité économique, simple ou complexe réalisé dans les changements de structures et éventuellement du système et accompagné de progrès techniques variables ".

La croissance est en fait un phénomène relativement récent qui est présent depuis plus de deux siècles dans les pays industrialisés avec des périodes plus pertinentes que d'autres. Ainsi, nous allons plutôt nous pencher sur la période particulière de 1918/1970 qui semble assez caractéristique en terme de croissance pour l'ensemble des pays développés occidentaux : la croissance fut très relative jusqu'en 1945 en raison principalement de la crise de 1929, la dépression et la seconde guerre mondiale, puis à partir de 1945/46 commencent les " 30 Glorieuses ", années qui comptent triple en quelque sorte avec par exemple pour la France une croissance moyenne de 5,9 % par an. En Europe, les " 30 Glorieuses " comptent même comme un âge d'or, l'âge de toutes les ruptures. En l'espace de 30 ans, l'Europe accomplit une transformation d'une amplitude comparable à celle qu'elle a connue en un siècle, soit une transformation qui peut être plus forte que celle qui a marqué le millénaire antérieur !

Face à la crise des années 30 et la croissance exceptionnelle de 1945 à 1970, nous pouvons nous demander quels sont les facteurs qui sont à l'origine de cette crise puis de cette croissance, et quelles ont été les conséquences sur le plan économique et social.

Nous analyserons ainsi dans une première partie les progrès techniques et leurs conséquences, puis dans une seconde partie, nous étudierons la croissance en tant que telle en Occident de 1918 à 1945 et enfin dans une dernière partie, nous verrons que la croissance s'est accompagnée de nombreuses mutations au niveau démographique, économique et social.

I. Les progrès techniques et leurs conséquences

Après 1945, aussi bien dans les pays développés d'économie de marché que dans les nations socialistes, la liaison entre la science et la technique est de plus en plus étroite. Grâce aux progrès techniques, on constate une amélioration du rendement et du fonctionnement des machines, des outils et des organisations, ce qui favorise la croissance et l'amélioration de la condition humaine.

Malgré l'importance de la période d'après-guerre concernant l'émergence des progrès techniques, il ne faut pas oublier la période 1919/1939, où il y a eu quelques innovations majeures.



I.1 1919/1939 : continuité dans les techniques



De 1919 à 1938, on dénombre 23 % de moins de faits techniques par rapport à la période 1894/1913. Pendant les années de guerre, de 1914 à 1919 et de 1939 à 1945, le ralentissement est encore plus marqué.

Les principales améliorations de cette période sont réalisées dans les transports, les biens, et les distractions de masse, dans l'agriculture et dans l'industrie.

Commençons par les transports : c'est pendant et après la première guerre mondiale que l'avion se développe rapidement et que l'automobile devient progressivement un moyen de transport.

En 1914, il y avait seulement 5000 avions, mais pendant la guerre, 200000 avions sont construits. Si les innovations sont peu importantes en matière d'avions, il y a beaucoup d'améliorations concernant le fuselage, le moteur et les hélices.

En fait, dès la fin de la première guerre mondiale, l'avion devient un moyen de transport et les lignes aériennes se développent. En 1938, l'avion Douglas DC-3 est un bimoteur qui assure 95 % du trafic civil des lignes américaines. Puis deux innovations techniques liées au développement de l'avion apparaissent : l'hélicoptère et le radar.

Parallèlement, on voit émerger l'automobile comme moyen de transport moins contraignant que le train.

Pour les pays développés occidentaux, on passe de 10,6 millions de voitures en circulation en 1920 à 42,9 millions en 1938. L'expansion de l'automobile se fait surtout après la seconde guerre mondiale, mais dès 1926 en France, la première voiture à traction est créée et en 1934, Citroën invente la traction avant.

Quant aux biens et aux distractions de masse, on voit apparaître la radio, le phonographe et le cinéma qui bouleversent complètement l'ensemble de la population des pays développés occidentaux.

En 1918, Edwin Howard Armstrong met au point le récepteur qui est à la base de toutes les radios. Entre les deux guerres, les stations d'émissions se développent ainsi que les postes récepteurs ce qui bouleverse totalement la vie de la société.

Le phonographe se diffuse pendant l'entre deux guerres et très vite chaque ménage en possède un.

Concernant le cinéma, le nombre de salles se multiplie de 1918 à 1939 : le cinéma fait alors partie des loisirs.

Certes, les innovations dans le domaine des transports, des biens et des distractions de masse sont importantes car elles permettent d'améliorer la vie en société de l'homme, mais les innovations majeures se situent dans l'agriculture et l'industrie car elles entraînent des répercussions économiques très significatives.

Dans l'agriculture, les pesticides et les insecticides sont mis au point ; les moissonneuses-batteuses sont de plus en plus utilisées surtout après la seconde guerre mondiale ainsi que les tracteurs : pour les pays développés, on passe de 200000 tracteurs en 1913 à 2,4 millions en 1938.

Dans les industries, l'innovation principale se porte sur la chimie. En 1933, le polyéthylène est mis au point. En 1935, le Nylon est breveté. Dans la métallurgie, c'est le début de l'expérimentation et au niveau pharmaceutique, les antibiotiques sont inventés.

Ces innovations dans les secteurs agricole et industriel permettent dans une certaine mesure d'améliorer la productivité.



I.2 1945/1970 : accélération du progrès technique



Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on assiste à une augmentation de la productivité, donc à une accélération du progrès technique. La production par travailleur et par heure a augmenté de 2 % par an aux Etats-Unis de 1910 à 1945, de 3,2 % de 1947 à 1965, la différence étant due pour l'essentiel aux rapides progrès agricoles. D'autre part, tout en restant important, le temps qui s'écoule entre une découverte, l'innovation et son développement commercial tend à se réduire.

Les progrès techniques sont plus sensibles dans les secteurs de pointe, mais en fait, on les trouve aussi dans les industries ou les activités économiques plus anciennes.

Dans les secteurs de pointe, les dépenses pour la recherche et le développement ne cessent d'augmenter en raison de la compétition entre les deux Grands : en 1945, les dépenses du gouvernement américain pour la recherche représentent 1590 millions de dollars alors qu'elles ne représentaient que 74 millions de dollars en 1940.

Une des innovations techniques la plus importante est sans doute la fission nucléaire dont l'impact a été sans précédent dans l'économie. A partir de 1943, la première bombe atomique est inventée, et on voit apparaître les premières centrales nucléaires qui produisent de l'énergie.

Dans l'électronique, de nombreuses découvertes entre 1930 et 1945 trouvent des applications dans le secteur des biens de consommation (comme la télévision), des biens intermédiaires et des biens d'équipement. En 1947, le transistor est inventé, ce qui permet la miniaturisation des matériels. A partir de 1961, les transistors sont utilisés dans les ordinateurs : on voit alors apparaître l'ère des calculateurs électroniques et des ordinateurs transistorisés.

D'autre part, on assiste à des bouleversements dans les transports et la communication.

Au milieu des années 50, c'est la révolution des modes de transport avec l'utilisation des "containers". Dès 1964, des navires spécialisés dans le transport des containers sont mis en service.

L'automobile se diffuse de plus en plus à travers l'ensemble des pays développés occidentaux avec deux améliorations : en 1947, le pneu sans chambre à air et en 1954, la direction assistée.

Les changements les plus importants dans le transport se réalisent dans l'aviation.

En 1945, les premiers avions à réaction ne dépassent pas 975 km/heure, mais fin 1947, un pilote américain franchit le mur du son (1228 km/heure). Peu à peu, on passe des avions à moteurs à pistons ou à turbopropulseurs à des avions à turboréacteurs. La France et le Royaume-Uni mettent au point en collaboration le Concorde en 1969. La capacité de transport s'accroît : le Boeing 747 transporte 490 passagers.

Plus récente, la conquête de l'espace extraterrestre connaît les progrès les plus spectaculaires. En 1957, les Soviétiques envoient le premier satellite artificiel, Spountnik I. Dès lors, les tentatives se multiplient. La plus grande réussite technique est incontestablement l'exploration de la Lune accomplie par les Américains dans le cadre du programme Apollo, géré par la NASA. Le 21 juillet 1969, jour où Armstrong et Aldrin posent le pied sur le sol lunaire est une des grandes dates de l'histoire de l'humanité.

De plus, le premier satellite géostationnaire de communication , destiné à relayer les communications téléphoniques est lancé en 1965, mais les satellites de communication ne deviennent performants qu'au milieu des années 70.

De manière générale, dans l'électronique, le nucléaire, le transport, les communications, les innovations sont pertinentes contrairement aux secteurs industriel et agricole où les innovations sont moindres.

Dans la sidérurgie apparaissent les fours à oxygène purs en 1937, ce qui permet une baisse du temps nécessaire au processus de fabrication. Puis les fours électriques permettent le développement des mini-acieries qui ont capacité de production importante.

Dans la chimie, on constate peu d'innovations.

Dans l'agriculture, à part la mise au point des pesticides et des herbicides commencée avant 1945, il n'y a pas vraiment d'innovations majeures. L'amélioration de la productivité agricole s'explique par l'augmentation des rendements et par la baisse du nombre d'heures de travail par unité de surface.

La plupart des pays occidentaux connaissent donc des progrès techniques qui leurs permettent de se développer et de connaître une croissance élevée. Cependant, il est quand même intéressant de remarquer que les Etats-Unis ont une avance sur le plan des technologies par rapport aux nations développées telles que l'Europe ou l'URSS.

Entre 1945 et 1965, sur 140 innovations majeures, 84 proviennent des Etats-Unis, 21 du Royaume-Uni et 14 de l'Allemagne.

L'accélération des progrès techniques entraîne une profonde mutation de l'emploi. On distingue les "progrès processifs" qui créent des emplois et les "progrès récessifs" qui en font disparaître. Si la productivité augmente plus vite que la consommation, cela est défavorable pour l'emploi et inversement.

Dans l'agriculture, la productivité augmente et la consommation stagne. Ainsi, la population active dans le secteur primaire diminue en opposition avec le secteur tertiaire où la population active augmente fortement.

Contrairement aux craintes souvent exprimées, l'automatisation ne crée pas globalement du chômage ; elle déplace en fait les travailleurs d'un secteur vers un autre. Le développement technique implique un remodelage constant de la structure des emplois. Néanmoins, l'accélération du progrès technique pose des problèmes : augmentation de la pollution de l'air et des eaux, répartition inégale des gains de la productivité, ébranlement des valeurs et de la culture.



II. Les manifestations de la croissance

Analysons à présent l'évolution de la croissance dans le monde occidental développé depuis 1919 jusqu'en 1970.

II.1 1919/1939 : après-guerre avec une croissance lente, crise et dépression



En terme de croissance économique, il apparaît assez logique de séparer la période de l'entre-deux-guerres 1919/1939 en deux autres périodes bien distinctes : -1919/1929

-1929/1939

II.1.a 1919/1929 : la reconstruction et une prospérité non généralisée

Après la première guerre mondiale, l'ensemble des pays occidentaux connaît des destructions importantes, de profonds bouleversements dans les rapports économiques entre les principales puissances.

Pour l'ensemble des pays qui ont été touchés, la production totale est tombée de 30 à 40 % en dessous du niveau de la production de 1913.

Si dès 1919, on perçoit un léger "boom" : la production reprend par exemple de 18 % en France, très vite une crise économique de réadaptation d'après-guerre se fait ressentir. En effet, cette crise économique qui débute au milieu des années 1920 est due principalement au changement brutal de la progression de la production qui commence aux Etats-Unis. Pendant la guerre, la production des Etats-Unis se situe à un niveau assez élevé car les besoins en armes sont importants, mais après la guerre, c'est la récession en raison de la baisse de la production d'armes et de la démobilisation rapide.

La crise aux Etats-Unis se caractérise alors par une chute des prix, en particulier les prix agricoles, ce qui entraîne une baisse du niveau de vie des agriculteurs, qui sont à cette époque très représentatifs de la population active. Ainsi, l'ensemble de l'économie américaine va être touchée par cette crise, qui va se propager à un grand nombre de pays développés et de pays industrialisés.

Au niveau de l'ensemble des pays de l'Europe, le taux de chômage dans la population active totale passe de 1,9 % en 1920 à 5 % en 1921.

Les années qui suivent cette crise, de 1922 à 1929, sont caractérisées comme des années de prospérité sur le plan économique. On parle même "d'années folles" en raison des nombreux bouleversements en rapport avec la musique, le cinéma, la danse.....

Pendant cette période, la croissance est assez rapide pour les pays développés occidentaux : aux Etats-Unis, la croissance par habitant est de 2,9 % par an en moyenne et en Europe, elle est de 2,8 % par an.

De plus, c'est le début de la consommation de masse, des produits manufacturés et l'accès aux biens et aux services devient de plus en plus facile ce qui permet une augmentation du niveau de vie en général.

Même si la prospérité apparaît bien présente de 1922 à 1929, elle est malgré tout relative dans le sens où on retrouve le niveau de production d'avant-guerre et dans le sens où la prospérité n'est pas générale pour tout le monde dans tous les pays.

En effet, certaines personnes sont exclues de cette croissance du fait de l'apparition pour la première fois du chômage structurel (qui ralentit la croissance économique) et des inégalités de revenus. Certains pays sont d'ailleurs complètement exclus de la croissance, comme le Royaume-Uni qui connaît une stagnation de la production par habitant entre 1919 et 1926 ou comme l'Allemagne qui subit une forte inflation, d'où une désorganisation de l'économie.

Pour les pays développés occidentaux, les années d'après-guerre jusqu'en 1929 sont donc très mitigées en terme de croissance.

II.1.b 1929/1939 : la crise de 1929 et la dépression qui s'en suit dans les années 30.

L'année 1929 est très connue pour sa crise économique qui est la plus grave du système capitaliste depuis le XIXème siècle jusqu'à nos jours.

Cette crise débute aux Etats-Unis par une crise financière qui va se transformer rapidement en crise économique (forte chute de la production, augmentation du chômage), puis cette crise va rapidement s'étendre à l'ensemble des pays développés.

Tout commence aux Etats-Unis : le 24 octobre 1929, les actions commencent à baisser fortement. On parle du "jeudi noir" car 13 millions d'actions changent de mains mais les banques réussissent plus ou moins à rétablir un certain équilibre en intervenant. Cependant, le 29 octobre 1929, le "mardi noir", la situation est plus grave : 16 millions d'actions changent de main, ce qui va conduire à de nombreuses faillites et de nombreux suicides.

Entre septembre et novembre 1929, le cours des actions à la bourse de New-York baisse d'environ 33 %.

De cette crise financière, très vite survient une crise économique. Aux Etats-Unis, dès 1929, la production industrielle diminue fortement. En 1932, le niveau de la production industrielle atteint seulement 55 à 60 % de celui de 1929. D'autre part, dès juillet 1930, le chômage augmente à nouveau et en particulier le chômage structurel. Si aux Etats-Unis entre 1923 et 1929, le chômage représente seulement 3,7 % de la population active, en 1933, il représente tout de même 24,9 % de la population active. Et enfin, les prix des produits agricoles baissent de manière importante, ce qui entraîne un recul du niveau de vie.

Puis la crise économique va rapidement toucher l'ensemble des pays développés.

En réalité, sur 25 pays, 18 pays sont touchés par la crise : leur PNB par habitant diminue dès 1930. La crise se généralise alors de façon très rapide.

Pour l'essentiel des pays développés, le creux de la crise se situe en 1932/33 où le PNB par habitant chute de manière significative par rapport à 1929 : pour les Etats-Unis, la baisse est de 28 %, pour l'Allemagne de 17 %.......

De plus, au niveau agricole, la crise devient très grave avec un recul permanent de la production agricole.

Sur l'ensemble de ces pays touchés par la crise, on perçoit très vite une généralisation de la montée du chômage. Le niveau du chômage dans les années 1930 augmente de 40 % par rapport à l'année précédente pour les pays concernés. Le sommet du chômage est atteint en 1932/33 avec par exemple un taux maximal pour l'Allemagne en 1932 : 44 % de la population active est au chômage.

De cette crise générale résulte logiquement un reflux des investissements internationaux et un effondrement du commerce international. En effet, en raison d'une conjoncture défavorable, de la baisse des prix des produits bruts et agricoles, de la réduction du volume des échanges mondiaux (en 1932 : baisse de 60 %), les entreprises n'osent plus investir.

Cette crise de 1929 ne s'arrête pas là : elle se prolonge dans quelques pays importants par une dépression jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale. Cette dépression peut être qualifiée de longue et profonde car elle affecte un grand nombre de pays pendant environ 9 ans.

Les Etats-Unis sont les plus touchés : ils connaissent un chômage de 14,3 % dans la population active en 1937 et un niveau de vie de l'ordre de 9 % à 11 % bien inférieur à celui de 1929.

Les Etats-Unis mettent en place le New-Deal en 1933/35 afin de relancer l'économie et de rétablir un système social. La plupart des pays concernés vont essayer de relancer l'économie en augmentant les dépenses publiques et en empruntant. La conséquence est telle qu'entre 1930 et 1932, l'essentiel des pays développés (avec les Etats-Unis) connaît un important déficit budgétaire jusqu'au début de la seconde guerre mondiale.

Si les Etats-Unis sont les plus touchés par la dépression, nous pouvons nous demander si les autres pays sont touchés de la même façon.

Analysons le cas de certains pays.

En ce qui concerne le Royaume-Uni, la crise est surmontée dès 1933, puis ce pays retrouve une croissance positive avec le niveau de vie et le potentiel économique le plus élevé de toute l'Europe. Cependant, il est tout de même intéressant de noter la présence du chômage structurel (taux de chômage dans l'industrie de 11 % dans les années 30).

Dans d'autres pays tels que les Pays scandinaves, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal..... on remarque une phase de croissance assez rapide dans les années 30, mais également la persistance de la montée du chômage.

Par contre, les Etats-Unis, l'Autriche, la France, la Pologne, l'Espagne, la Suisse, le Canada..... sont caractérisés par de mauvaises performances économiques et par le maintien d'un chômage élevé. Par exemple, le Canada connaît un véritable désastre économique avec une diminution de son PNB par habitant de 10 % en 1937 en comparaison avec 1928. Certains pays comme la France, la Belgique ou la Suisse tentent de sortir de la dépression en dévaluant, mais les résultats sont peu significatifs (sauf pour la France).

Même si les pays développés occidentaux sont plus ou moins intensément touchés par la crise, on constate pour l'ensemble de ces pays la forte progression du chômage, que ce soit un chômage structurel ou conjoncturel.

A partir de septembre 1929 aux Etats-Unis, la montée du chômage ne cesse de s'accélérer et atteint son apogée en 1933 avec 13,1 millions de chômeurs alors qu'ils n'étaient que 3,1 millions en mai 1930. Puis, après 1933, le chômage aux Etats-Unis diminue progressivement jusqu'à la deuxième guerre mondiale où il retrouve un niveau un peu près normal.

Dans les autres pays, durant la crise, tout le monde connaît une forte poussée du chômage dans la période 1931/1936, chômage plus ou moins amplifié selon les pays. Par exemple, en 1930/33, le taux de chômage dans l'industrie est très élevé pour certains pays : de l'ordre de 34,2 % pour l'Allemagne, 25,8 % pour la Norvège, 23 % pour le Danemark et pour d'autres, le taux de chômage dans l'industrie est un peu moins important : 9,5 % pour la France, 12,6 % pour la Belgique, 18,7 % pour les Pays-Bas.



II.2 1945/1970 : reconversion, reconstruction et période des "30 Glorieuses"



Comme nous l'avons fait précédemment, nous pouvons diviser la période 1945/1970 en deux périodes : - 1945/1950

- 1945-50/1970







II.2.a 1945/50 : reconversion et reconstruction en Occident.

La deuxième guerre mondiale qui débute en 1939 a des conséquences désastreuses en Occident sur le plan démographique : 37 à 44 millions de décès et sur le plan de la mobilisation du potentiel économique : les destructions sont importantes (logements, industries, transport).

Si de nombreux bouleversements se produisent après la guerre, certaines nations en ressortent plus fortes comme les Etats-Unis : son économie exerce un effet dominant sur le monde, mais d'autres pays en ressortent complètement ruinés : le Japon, l'Europe occidentale.

Tout d'abord, analysons la reconversion réussie des Etats-Unis. Après la guerre, les Etats-Unis ne souhaitent pas retourner à une crise économique telle que celle qu'ils ont connue en 1920/21 après la première guerre mondiale. Ainsi, dès août 1941, le Royaume-Uni et les Etats-Unis signent la Chartre de l'Atlantique afin de rétablir après la guerre un système de relations économiques plus équilibrées. En réalité, après la guerre, les Etats-Unis connaissent une courte récession de 8 mois (mars/octobre 1945). En effet, pendant la guerre, on constate un retard dans la consommation de 4 ans une épargne accumulée importante de 1941 à 1945. Puis après cette mini-récession, les Etats-Unis retrouvent une période d'expansion de 3 ans (novembre1945/novembre1948).

Plusieurs éléments vont favoriser ce retour à la croissance :

Le baby-boom permet une augmentation du nombre de consommateurs et des besoins.

Face à une demande importante, les industriels sont obligés d'investir massivement.

Le gouvernement fédéral américain intervient pour soutenir la demande des ménages.

- En raison de la pénurie agricole, les prix agricoles augmentent, ce qui permet une hausse du pouvoir d'achat des agriculteurs.

En fait, tous les éléments sont réunis pour permettre le retour à la prospérité, à la croissance économique pour les Etats-Unis.

Concernant les pays de l'Europe occidentale, le " relèvement " se fait beaucoup moins vite qu'aux Etats-Unis, en raison des pertes démographiques importantes, de la destruction des villes, des usines, du fort recul de la production agricole (les sols deviennent insuffisants pour nourrir la population). Les véritables handicaps se situent au niveau du système d'échanges : le commerce à l'intérieur de l'Europe est complètement anéanti dès 1945 et aucun pays ne peut vivre en autarcie. De plus, au niveau de l'agriculture, les mauvaises conditions atmosphériques ne permettent pas de bonnes récoltes, ce qui entraîne une sous-alimentation des travailleurs, d'où une baisse de la productivité et un retard dans la reconstruction. Mais grâce au plan Marshall de 1947 pour lutter contre la misère et permettre la reconstruction, 16 nations européennes vont pouvoir mobiliser leurs ressources humaines, prendre des mesures de stabilisation monétaire, stimuler leur production industrielle et agricole.

Pour l'Europe occidentale, les résultats sont très positifs :

En 1951, la production industrielle est supérieure de 64 % à celle de 1947.

En 1951, la production alimentaire est supérieure de 24 % à celle de 1947.

II.2.b 1945-50/1970 : les " 30 Glorieuses ", période de prospérité accrue et de croissance économique remarquable

Après 1950, l'expansion, dans les pays à système capitaliste, reste une constante. En effet, on observe de 1950 à 1970 des taux de croissance très élevés ; d'ailleurs la croissance économique est d'une ampleur telle que rien de semblable n'avait été observé auparavant dans l'histoire. Il est alors facile de comprendre pourquoi on parle de " miracle économique " ou même de la période des " 30 Glorieuses " d'après Jean Fourastier.

Pour l'ensemble des pays développés, on observe de 1950 à 1973 une croissance du rythme annuel du volume du PNB par habitant de 3,9 % alors qu'avant la deuxième guerre mondiale, cette croissance du PNB par habitant était seulement de 2 %. Si on regarde les 23 années précédants la deuxième guerre mondiale, on peut remarquer que la croissance du volume du PNB par habitant la plus significative était de 1,6 % par an (ce qui apparaît faible comparé au 3,9 %).

La croissance économique a un effet très positif sur les pays développés occidentaux : elle se caractérise par l'amélioration des conditions économiques et sociales de la population, l'amélioration des législations sociales, l'égalisation de la distribution des revenus, le développement de la société de consommation, l'accélération de l'augmentation de la productivité du secteur agricole, ou encore l'extension considérable des relations économiques internationales.

Face à cette croissance inégalable, on en vient forcement à se demander quels sont les facteurs qui ont permis une telle croissance.

La multiplication de l'offre des biens et services peut être expliquée par l'augmentation de la population active : que ce soit grâce au baby-boom, à l'entrée des femmes sur le marché du travail, à l'appel aux immigrants ou encore au transfert de main-d'uvre du secteur secondaire au tertiaire, tous ces éléments permettent la progression du facteur travail. De plus, l'augmentation du capital en quantité et en qualité rend compte d'une partie de la croissance. Mais derrière le capital et le travail, il ne faut tout de même pas oublier d'autres facteurs qui sont essentiels : l'instruction, le progrès technique, la gestion des entreprises, les économies d'échelle.

En parallèle, l'accélération de la productivité agricole caractérisée par un taux annuel de 4.8 % de 1950 à 1970dans les pays développés occidentaux, est favorisée par l'usage intensif des pesticides, des engrais, par l'utilisation de plus en plus massive de machines agricoles et par le développement des concentrations d'exploitations agricoles.

Cependant, il apparaît intéressant de souligner que cette croissance n'est pas uniforme pour l'ensemble des pays développés. En effet, tous les pays ne progressent pas au même rythme et il possible de distinguer des écarts entre l'Europe, le reste des pays développés et les Etats-Unis. Par exemple, si on observe de 1950 à 1975 une hausse de 3,8 % du PNB par habitant en Europe occidentale, cette progression n'est que de 2,1 % pour les Etats-Unis pendant la même période. Ces disparités de taux de croissance s'expliquent en partie par le fait que chaque pays n'affecte pas de la même façon ses ressources.

Les pays qui connaissent la plus forte croissance sont ceux qui privilégient l'épargne et les investissements productifs au détriment des salaires, donc au détriment de la consommation privée. Par exemple, en France, les ménages consacrent une part importante de leur revenu à l'investissement immobilier : l'investissement est multiplié par 5,9 de 1950 à 1970. En RFA, l'investissement représente une part élevée du PNB : de 22 à 24 % entre 1950 et 58.

D'autres pays sont caractérisés par une croissance plus lente comme les Etats-Unis où la consommation des ménages et des administrations progresse plus vite que l'investissement privé brut.

Si on peut distinguer des différences du rythme de croissance selon les pays, on peut également constater que la croissance économique n'a pas toujours été parfaitement linéaire et harmonieuse de 1950 à 1970. Si les crises cycliques, caractéristiques du XIXème siècle et de l'avant guerre, disparaissent, le mouvement ascendant est rompu de temps à autre par des récessions. On distingue ainsi les ralentissements prononcés du taux de croissance. Cela se traduit par nue stagnation de la production en France, au Japon ou par une baisse du volume de la production aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne.

Aux Etats-Unis, on peut distinguer six récessions de courte durée et à caractère atténué de 1948 à 1978. Mais pour l'ensemble des pays développés occidentaux, on peut dégager deux récessions essentielles entre 1946 et 1973 : en 1954, le PNB totale progresse en moyenne de 1 % (progression un peu plus lente que celle de la population) et en 1958, la récession concerne plus de pays : les plus fortes chutes du PNB par habitant sont de l'ordre de 2 % (ce qui est dérisoire par rapport à la baisse de 15 % pendant la crise de 1929).

Il est alors important de remarquer pendant cette période que les récessions ne se transforment pas en crise. En effet, malgré une conjoncture défavorable, les administrations continuent d'augmenter leurs dépenses et les particuliers ne baissent pas leur consommation en valeur absolue. On constate d'ailleurs que la demande des consommateurs est peu sensible aux fluctuations cycliques du fait de l'existence de stabilisateurs automatiques : assurance chômage, retraites, politique fiscale anticyclique, prix agricoles garantis. De plus, l'Etat s'implique de plus en plus dans la vie économique, il intervient pour faire face aux fluctuations.



III. Les mutations profondes de la société

Si la révolution industrielle du XIXème siècle a entraîné de profonds changements structurels des économies et des sociétés développées, la croissance économique du XXème siècle a elle aussi conduit à de nombreux bouleversements, de nombreuses modifications, surtout à partir de 1945, sur le plan démographique, structurel et social.



III.1.a L'évolution démographique et l'urbanisation



III.1.a L'évolution démographique : natalité, mortalité et migrations.

Pendant l'entre-deux-guerres, la population de l'ensemble des pays développés occidentaux augmente mais cela ne permet que le rattrapage des naissances différées en raison de la guerre. La croissance démographique la plus importante se situe après la deuxième guerre mondiale, vers 1945. De 1950 à 1970, la population des pays occidentaux croit mais à des rythmes différents selon les pays. Par exemple, on peut relever pour les Etats-Unis un taux de croissance de 2 % par an ou pour la Suisse de 1,5 %.

Une telle évolution du mouvement de la population peut s'expliquer par un ensemble de facteurs :

La natalité

Contrairement au premier baby-boom survenu après la première guerre mondiale, le baby-boom qui suit la seconde guerre mondiale permet non seulement de rattraper les naissances différées mais il se prolonge plus longtemps que celui de la première guerre mondiale. Pour la plupart des pays, il dure environ 4 ans de 1945 à 1949 en moyenne. Pour l'Allemagne, il durera jusqu'en 1963.

Ce prolongement du baby-boom est dû principalement à la croissance économique, aux politiques d'allocations familiales et au climat optimiste : les enfants sont mieux acceptés et plus désirés. Cependant, à partir de 1957 pour les Etats-Unis et à partir de 1964 pour l'Europe, le mouvement se renverse : la natalité commence à baisser. Pour les Etats-Unis, le taux de natalité passe de 23,7 pour 1000 en 1960 à 15,7 pour 1000 en 1972.

Ce renversement brutal du nombre de naissances a pour origine divers éléments : l'âge du mariage s'élève, les divorces se multiplient, les couples à deux enfants sont préférés, la surpopulation et le chômage font peur.

La mortalité

En parallèle, on observe au XXème siècle une baisse générale de la mortalité pour l'ensemble des pays développés occidentaux. Grâce en partie à l'augmentation du niveau de vie, à l'hygiène, au progrès dans le domaine médical, à la diffusion de l'éducation, la mortalité infantile a fortement régressé : en France en 1926/30, le taux de mortalité est de 89 pour 1000 et passe en 1970 à 16 pour 1000. Le recul de la mortalité infantile permet d'améliorer l'espérance de vie à la naissance. En France, on a gagné 17,4 années de 1926 à 1975. Cependant, baisse de mortalité et baisse de natalité (depuis les années 60) conduisent au vieillissement de la population. Le vieillissement de la population a commencé pendant l'entre-deux-guerres, puis s'est accentué après la seconde guerre mondiale. Pour les pays développés occidentaux, la proportion de la population âgée de plus de 65 ans est de 8 % en 1950 contre 10,4 % en 1970/75.

Les migrations

La croissance naturelle, résultat de la différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité, ne suffit pas à rendre compte des rythmes de la croissance démographique. Il faut y ajouter l'effet du bilan migratoire avec l'étranger. Jusqu'en 1945/50, le nombre d'immigrants en Europe est peu important (le solde migratoire est négatif pour l'ensembles des pays développés occidentaux), mais dans les années 1950/60, en raison de la croissance économique et du manque de main-d'uvre, de nombreux pays invitent les étrangers pour travailler. Normalement, cette immigration devait être temporaire mais elle devient par la suite permanente. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en Occident, la proportion d'étrangers ne cesse d'augmenter. En Europe occidentale, les étrangers représentent 2 % de la population en 1910 et 3,6 % en 1970.

III.1.b La poussée urbaine.

Sur le plan urbain, il est possible de dégager deux phases distinctes pendant l'entre-deux-guerres : la première concerne les années 1920 où le processus d'urbanisation se développe et la deuxième pendant les années 1930 se caractérise par une certaine stagnation du processus d'urbanisation. Pendant ces deux phases, la ville évolue et change : l'éclatement spatial permet l'expansion rapide des transports en commun et l'irruption de l'automobile. Puis à partir des années 50, l'urbanisation va être privilégiée au détriment des campagnes. Les villes moyennes isolées se développent mais ce sont les grandes agglomérations qui sont les foyers dynamiques. D'ailleurs, la population cherche de plus en plus à se concentrer dans les banlieues de ces agglomérations.



III.2 L'évolution de certains éléments structurels économiques



La croissance a également entraîné de nombreuses modifications au niveau de la structure des activités, de la consommation et au niveau de la dépendance en énergies et en matières premières.

III.2.a Les mutations socioprofessionnelles

De manière globale, on constate une baisse absolue des travailleurs dans le secteur agricole, une stagnation des emplois industriels et une expansion du tertiaire au détriment de la population engagée directement dans la production de biens.

La fin des paysans

L'agriculture occupe une place très importante dans la société jusqu'à la première guerre mondiale, mais à partir de la seconde guerre mondiale, l'agriculture commence à s'effacer progressivement. Pour l'ensemble des pays occidentaux, le pourcentage de personnes travaillant dans le secteur agricole évolue de la façon suivante : en 1910, ils sont 42,6 %, en 1950 27,5 % et en 1970 11,4 %. Le déclin s'amorce à partir des années 30 puis il s'accélère à partir de 1950. L'agriculture s'inscrit en fait de plus en plus dans le cadre de coopératives d'achat ou de vente, dans le cadre de concentration des exploitations pour répondre aux nécessités de la rentabilité. De plus, on passe du paysan traditionnel au chef d'entreprise qui doit posséder des connaissances agronomiques, techniques et économiques plus poussées.

L'emploi dans les industries

L'ensemble des industries connaît une progression ininterrompue jusqu'aux années 70, année à partir de laquelle le secteur industriel " stagne ". Dans la plupart des pays développés à économie de marché, en 1910, on compte 31 % de la population active qui travaille dans le secondaire et 38 % en 1965. Mais si le nombre d'ouvriers augmente jusqu'en 1950, on se rend compte que le progrès technique entraîne des mutations dans ce secteur : les manuvres sont moins nécessaires, il y a de plus en plus d'ouvriers spécialisés sur une machine bien précise et inversement, l'automatisation développe une " nouvelle classe ouvrière " faite d'ouvriers professionnels polyvalents et de techniciens des bureaux d'études.

La montée du tertiaire

Face à un recul du secteur primaire et à la stagnation du secteur industriel (à partir des années 70), le tertiaire se développe de plus en plus à partir de la fin des années 60. Dans les pays développés occidentaux, avant 1900, l'agriculture est passée en dessous de la moitié des actifs et en 1967/69, les services passent au-dessus de la moitié des actifs.

III.2.b La structure de la consommation

On remarque une nette transformation de la consommation à partir des années 50, au moment où la croissance démarre. En effet, le moteur essentiel de la croissance correspond à l'acquisition de plus en plus importante de biens matériels. Grâce à l'augmentation générale du pouvoir d'achat des ménages, les dépenses des ménages s'accroissent. La part des dépenses augmente dans le logement, la santé, le transport, les loisirs, mais la part des dépenses dans l'alimentation et dans les vêtements diminue. On peut donc constater une certaine évolution dans les dépenses des ménages par rapport à la période d'avant la première guerre mondiale où 50 % du budget des ménages était consacré à l'alimentation.

Ce déplacement de la consommation des biens indispensables à la survie vers ce qui serait apparu naguère comme superflu caractérise la " société de consommation ". La majorité de la population possédant les éléments jugés indispensables au confort : une automobile, un équipement électroménager, un logement, on peut même parler d'une société de consommation de masse, où les distinctions de statut social par le niveau de consommation tendent à s'atténuer. Les citoyens des pays occidentaux appartiennent à une vaste classe moyenne qui devient alors le centre de gravité des systèmes sociaux occidentaux.

III.2.c De l'autosuffisance à la dépendance en énergies et en matières premières

Jusqu'au début des années 50, l'essentiel des pays développés occidentaux était autosuffisant en énergies et en matières premières. Vers 1913, le monde développé produisait 3 % de plus de charbon qu'il n'en consommait et exportait plus de pétrole que le Tiers-Monde. Cependant, pendant les deux guerres, la situation se modifie. De très riches gisements dans le Moyen-Orient sont découverts : le prix du pétrole diminue alors fortement. Avant la deuxième guerre mondiale, le prix du pétrole coûtait plus cher que le charbon, mais à partir du milieu des années 50, en Europe occidentale, le pétrole devient moins cher que le charbon. Ce bouleversement entraîne l'ensemble des pays développés occidentaux à être dépendants en énergies. D'ailleurs, le déficit en énergie atteint 29 % de la consommation des pays développés occidentaux.

Concernant les matières premières, pour les pays développés occidentaux, la dépendance est plus ou moins marquée. Pour le minerai de fer, le déficit est passé de 6 % en 1950 à 32 % en 1970. Pour le cuivre, la dépendance est significative depuis le XIXème siècle. Mais pour les matières premières d'origine agricole, la dépendance est assez faible.



III.3 L'évolution de la vie sociale



Les sociétés développées étant soumises au progrès rapide et à l'évolution démographique, il est normal que s'y développent des transformations dans la répartition de la population active et dans le rôle de l'éducation.

III.3.a La fin des ouvriers

Jusqu'en 1950 en Europe, la part des ouvriers dans la population active est encore importante, elle est de 51 %. Mais à partir des années 50, le nombre d'ouvriers chute progressivement pour l'ensemble des pays développés. Cela peut s'expliquer entre autre par la progression au sein des industries des emplois de plus en plus qualifiés et des tâches administratives et par le déclin de l'importance des industries dans l'activité économique. En effet, la part du tertiaire dans l'économie augmente au détriment du secteur industriel.

III.3.b Le mouvement féministe

Pendant la première moitié du XXème siècle, le statut de la femme n'évolue pas : elle est toujours considérée inférieure à l'homme et son travail consiste à s'occuper des tâches domestiques. C'est à partir de 1945/50 que cette vision change. Les entreprises font appel à la main-d'uvre féminine pour combler les vides dans les usines et dans les bureaux et le taux d'activité des femmes devient alors supérieur à 20 % en 1950 (alors qu'il était seulement de 10 % en 1938). Cependant, les femmes rencontrent des difficultés : la hiérarchie du travail est dominée par les hommes, les femmes n'ont pas le même prestige au niveau de l'emploi par rapport aux hommes, et souvent les femmes doivent s'occuper des tâches subalternes, mal payées. De manière générale, pour les femmes, il est difficile de faire carrière.

III.3.c L'enseignement et l'éducation

L'explosion scolaire de l'enseignement secondaire et universitaire s'est produite en moyenne pour l'ensemble des pays développés occidentaux à la fin des années 50 (sauf pour les Etats-Unis qui sont en avance : en 1913). Dans son ensemble, la jeunesse est mieux éduquée qu'avant guerre pour répondre aux besoins du niveau de développement atteint par les forces productives. L'enseignement secondaire progresse peu de 1917 à 1937 mais il fait un bond remarquable de 1937 à 1970 car la scolarité devient obligatoire pour tous. On passe alors de 4 % à 60 % pour le taux de scolarisation en Europe.

D'autre part, l'enseignement universitaire se développe un peu plus tard après la seconde guerre mondiale et met en avant la promotion culturelle et la formation professionnelle.

Conclusion :

De 1918 à 1945, les pays développés occidentaux sont marqués par une prospérité inégale et par la crise de 1929 qui bouleversa complètement l'ensemble des économies par son intensité. D'après l'économiste Keynes, la crise de 1929 trouve son origine dans l'insuffisance de la demande par rapport à la quantité de biens produits par les entreprises, ce qui explique la baisse de la production et la diminution des activités industrielles.

Mais de 1945 à 1970, la prospérité est partagée par l'ensemble des pays industrialisés. Cette croissance a principalement été rendue possible par la technologie industrielle occidentale. Ainsi la croissance a entraîné une augmentation de la demande globale, d'où un accroissement de la production et de l'investissement en raison du climat optimiste de cette période. La production a pu s'accroître grâce au progrès technique, à la réserve importante en main-d'uvre et au large approvisionnement en matières premières et en pétrole à des prix en monnaie constante de plus en plus dépréciés.

De manière générale, cette croissance exceptionnelle s'est forcement accompagnée de mutations dans la société : au niveau démographique, on assiste à un prolongement du baby-boom après 1945, au niveau économique, la croissance s'est traduite par l'extension du phénomène de la consommation de masse et par des mutations sectorielles avec le développement de l'industrie, puis des services alors que le secteur primaire voyait dans le même temps ses effectifs décroître. Quant à la vie sociale, elle a été bouleversée par l'importance du mouvement féministe et par le développement de l'enseignement.

La période des " 30 Glorieuses " fut très bénéfique pour l'ensemble des pays développés occidentaux.

Cependant, après les excès destructifs de la première moitié du siècle, puis les excès productifs des 25 années qui ont suivi, certains pourront faire remarquer que nous renouons depuis environ 25 ans avec une sorte de tendance historique. La crise que nous vivons actuellement ne serait-elle pas que le retour à la normale ?











_ "Histoire économique et sociale de la France"

Tome IV : L'ère industrielle et la société d'aujourd'hui (1880-1980)

Fernand Braudel, Ernest Larousse, Jean Bouvier

Presses Universitaires de France



_ "Histoire économique du monde"

Rondo Cameron

Editions Larousse 1991



_ "Les étapes de la croissance économique"

W.W Rostow

Points

Editions du Seuil 1970



_ "Victoires et déboires III" Histoire économique et sociale du monde du XVI ème siècle à nos jours.

Paul Bairoch

Folio Histoire

Gallimard 1997



_ "Economie contemporaine" Croissance, crise et stratégies économiques

Presse universitaire de France

Thémis 1980



_ "Histoire du capitalisme de 1500 à nos jours"

Michel Beaud

Points

Editions du Seuil 1990