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Sous-sections


1.1 Préférences et choix

Figure 1.1: Le problème de choix du consommateur
\fbox{\includegraphics[scale=1.2]{choix.eps}}

Le problème du consommateur est le problème type de la microéconomie: un individu rationnel effectuant un choix dans un ensemble de choix délimité et cela, de manière à poursuivre un objectif.

1.1.1 Objets du choix

L'individu type dont nous allons étudier les choix est le consommateur.

Son problème est simple : il doit choisir un seul élément parmi un ensemble $ \left( X\right) $ d'objets.

Dans le cas du consommateur, $ X$ est l'espace des paniers de consommation qui est modélisé comme un sous-espace de $ \mathbb{R}^{K}$ quand $ K$ est le nombre de biens distincts dans l'économie.

Si $ K=2, x=\left( x_{1},x_{2}\right) \in X$ est un panier de consommation.

1.1.2 Relation de préférence

Quand il est confronté à deux paniers $ x$ et $ y$, les goûts du consommateur vont se traduire par un classement entre ces deux paniers.

S'il nous déclare que $ x$ est mieux que $ y,$ nous dirons qu'il préfère strictement $ x$ à $ y$ et nous le notons par $ x\succ y$.

Confronté à deux paniers quelconque $ x$ et $ y$, il peut se trouver dans une des quatre situations suivantes:

  1. il peut déclarer que $ x$ est mieux que $ y$ mais que l'inverse n'est pas vrai;

  2. il peut déclarer que $ y$ est mieux que $ x$ mais que l'inverse n'est pas vrai;

  3. il peut déclarer qu'aucun est mieux que l'autre et qu'il refuse de faire un choix;

  4. il peut déclarer qu'à la fois $ x$ est mieux que $ y$ et $ y$ est mieux que $ x$.

Nous allons éliminer la quatrième possibilité qui pose un problème de cohérence.

Hypothèse 1   Les préférences de l'individu sont asymétriques: il n'existe pas de paire de paniers $ x$ et $ y$ appartenant à $ X$ telle que $ x\succ y$ et $ y\succ x$.

Remarque 1   Cohérence temporelle et framing effects.

La cohérence minimale que nous exigeons de notre agent doit être complétée par une capacité d'évaluation minimale.

Si notre agents sait classer deux paniers $ x$ et $ y$, il doit pouvoir classer un troisième panier $ z$ par rapport aux deux premiers.

Hypothèse 2   Les préférences sont négativement transitives : si $ x\succ y$, alors pour tout troisième panier $ z,$ soit $ x\succ z$, soit $ z\succ
y$, soit les deux.

Cette hypothèse implique que si $ x=\left( 10,5\right) \succ y=\left(
9,4\right) $ alors notre consommateur doit pouvoir dire pour le panier $ z=\left( 20,1\right) $ que soit $ x\succ z$ $ \left( \left( 10,5\right)
\succ\left( 20,1\right) \right) $ ou soit $ z\succ
y$ $ \left( \left(
20,1\right) \succ\left( 9,4\right) \right) $ ou soit les deux.

L'hypothèse précédente exclut que le consommateur nous déclare qu'il ne peut faire ce choix difficile.

Ces deux hypothèses impliquent d'autres propriétés naturelles des préférences strictes:

  1. Non-réflexivité : pour aucun $ x$ il déclare $ x\succ
x.$

  2. Transitivité : si $ x\succ y$ et $ y\succ z$, $ x\succ z.$

  3. Acyclicité : si, pour un entier donné $ n$, $ x_{1}\succ
x_{2}\succ x_{3}\cdots x_{n-1}\succ x_{n}$, alors $ x_{n}\neq x_{1}$.

Proposition 1   Si $ \succ$ est asymétrique et négativement transitive, alors $ \succ$ est non-réflexive, transitive et acyclique.

Problème 1   Démontrez cette proposition.

Ces deux hypothèses forment les bases de la théorie des choix en microéconomie.

Mais le classement des biens que nous avons considéré correspond uniquement à une préférence forte du consommateur entre deux paniers quelconques et en cela, il ne peut s'appliquer qu'à assez peu de couple de paniers.

Pour élargir ce classement considérons deux relations complé men taires à celle-ci:

Définition 1   Pour tout $ x$ et $ y$ appartenant à $ X,$ nous pouvons écrire $ x\succsim
y$ ($ x$ est faiblement préféré à $ y$) s'il n'est pas vrai que $ y\succ x.$ Et s'il n'est pas vrai que $ x\succ y$ ou $ y\succ x,$ alors nous pouvons noter $ x\sim y$ (le consommateur est indifférent entre $ x$ et $ y$).

Remarque 2   Si le consommateur ne peut strictement classer $ \left( 10,5\right) $ et $ \left( 20,1\right) ,$ est-ce que cela devrait vraiment impliquer que $ \left( 10,5\right) \sim\left( 20,1\right) $?

La proposition suivante regroupe les propriétés de la préférence stricte, la manière dont la préférence faible et l'indifférence sont dérivées de la préférence stricte et leurs propriétés impliquées par celles de la préférence stricte.

Proposition 2   Si la préférence stricte $ \succ$ est asymétrique et négativement transitive et la préférence faible et l'indifférence sont dérivés de la préférence stricte selon la précédente définition, alors:

  1. La préférence faible $ \succsim$ est complète : pour toute paire $ \left( x,y\right) \in X,$ soit $ x\succsim
y$, soit $ y\succsim
x,$ soit les deux.

  2. La préférence faible est transitive : si $ x\succsim
y$ et $ y\succsim z$ alors $ x\succsim z.$

  3. L'indifférence $ \sim$ est réflexive $ \left( \forall
x, x\sim x\right) ,$ symétrique $ \left( x\sim y\Leftrightarrow
y\sim x\right) $ et transitive $ \left( x\sim y\sim z\Rightarrow x\sim
z\right) $ (c'est une relation d'équivalence).

  4. Si $ w\sim x$, $ x\succ y$ et $ y\sim z$ alors $ w\succ y$ et $ x\succ z.$

L'ensemble des relations de préférence du consommateur nous donne maintenant une bonne représentation de ses goûts et du classement que ces goûts impliquent entre les paniers de bien.

Problème 2   Transitivité négative. Montrer que $ \succ$ est négativement transitive si et seulement si $ \succsim$ est transitive. Aide: la proposition ``$ A$ implique $ B$'' est logiquement équivalente à ``Non $ A$ implique Non $ B$''.

Nous pouvons alors commencer à nous intéresser à ses choix.

1.1.3 Des préférences au choix

En général notre consommateur aura à choisir dans un ensemble de paniers de biens qui contient plus que deux éléments.

Comment ses préférences vont se traduire en choix?

Définition 2   Étant donnés une relation de préférence $ \succ$ sur un ensemble d'objets $ X$ et un sous-ensemble non-vide $ A$ de $ X,$ l'ensemble des alternatives acceptables de $ A,$ selon $ \succ$, est défini comme étant

$\displaystyle c\left( A;\succ\right) =\left\{ x\in A:\nexists y\in A,\text{ tel que
}y\succ x\right\} .
$

Donc cet ensemble contient les éléments de $ A$ pour les quels il n'existe pas d'alternatives strictement meilleures dans $ A.$

Remarque 3  

Proposition 3   Soit $ \succ$ une relation de préférence asymétrique et négativement non-transitive. Alors

  1. Pour tout ensemble fini $ A,$ $ c\left( A,\succ\right) $ est non-vide.

  2. Si $ x$ et $ y$ appartient tous les deux à $ A$ et à $ B$, $ x\in
c\left( A,\succ\right) $ et $ y\in c\left( B,\succ\right) $ alors $ x\in
c\left( B,\succ\right) $ et $ y\in c\left( A,\succ\right) .$

Cet ensemble des alternatives acceptables traduit donc les préférences du consommateur en choix.

Il faut admettre qu'il est loin d'être aisé à manipuler car il fait une représentation des préférences sous la forme d'un ensemble.

Il serait plus commode d'avoir une représentation de ces préférences soit la forme d'une fonction numérique.

1.1.4 Représentation en termes d'utilité

Définition 3   Étant données les préférences $ \succ$ sur un ensemble $ X,$ une représentation numérique de ces préférences peut être donnée par toute fonction $ U$ avec le domaine $ X$ et l'image dans $ \mathbb{R}$ telle que

$\displaystyle x\succ y\Leftrightarrow U\left( x\right) >U\left( y\right) .
$

$ U$ est la fonction d'utilité du consommateur.

Si $ \succ$ possède une représentation numérique, alors les alternatives acceptables d'un sous-ensemble $ A$ de $ X$ sont les éléments pour les quels $ U$ possède la valeur la plus élevée (l'utilité maximale).

Mais est-ce que $ \succ$ possède toujours une représentation numérique?

Proposition 4   Pour posséder une représentation numérique, $ \succ$ doit être asymétrique et négativement transitive.

Il faut en fait plus que cela : soit $ X$ doit être relativement petit, soit $ \succ$ doit être bien formée.

Proposition 5   Si l'ensemble $ X$ sur lequel $ \succ$ est définie est fini alors $ \succ$ admet une représentation numérique si et seulement si elle est symétrique et négativement transitive.

(Debreu(1954) démontre le Théorème de représentation)

Supposons que $ \succ$ admet une représentation numérique $ U$. $ U$ est-il unique?

Soit $ f:\mathbb{R\rightarrow R}$ une fonction strictement croissante.

Alors $ V:X\rightarrow\mathbb{R}$, $ V\left( x\right) =f\left( U\left(
x\right) \right) $ représente tout aussi bien $ \succ$ puisque $ V$ induit le même classement des éléments de $ X$ que $ U$ et donc que $ \succ$.

Par conséquent, les représentations numériques de $ \succ$ sont uniques à une transformation monotone croissante près (utilité ordinale et non cardinale).

1.1.5 Propriétés des préférences du consommateur

Jusqu'à maintenant, nous avons adopté une approche très générale du problème de choix.

Nous allons maintenant nous focaliser sur le choix du consommateur, dans l'espace des paniers de biens.

Quelles sont, par exemple, le hypothèses qui donnent lieu à une représentation aussi lisse que sur la Figure 1.1?

$ X$ représente l'espace des paniers de biens et donc $ X\subset
\mathbb{R}_{+}^{K}$$ K$ est le nombre de biens dans l'économie et la quantité des biens dans tout $ x\in X$ est non-négative.

Les préférences du consommateur $ \succ$ sont données et elles sont asymétriques et négativement transitives.

Nous pouvons alors commencer à reconstruire la Figure 1.1.

Pour tout $ x\in X,$ nous définissons la classe d'indifférence de $ x$ comme étant

$\displaystyle Indiff\left( x\right) =\{y\in X:y\sim x\}.
$

Étant donné que $ \sim$ est réflexive, transitive et symétrique, les classes d'indifférence $ Indiff(x)$, pour $ x$ parcourant $ X$ partitionnent complètement $ X.$

Par conséquent, chaque $ y\in X$ appartient à une seule classe d'indifférence.

Ces classes de la relation de préférence implicite du consommateur correspondent aux courbes d'indifférence de la Figure 1.1.

Quelles sont les autres propriétés qu'on peut raisonnablement attendre de $ \succ$ ?

Comment doit-on les traduire en termes de la représentation numérique ou en termes graphiques, comme pour la Figure 1.1?

1.1.5.1 La monotonicité et la non-saturation

Il est raisonnable de supposer que dans beaucoup de situations le consommateur va préférer avoir plus de bien que moins ou, du moins, qu'il ne préfère pas strictement le moins à plus.

Définition 4   Les préférences $ \succ$ sont monotone si pour tout couple de panier $ x$ et $ y,$ $ x\geq y$ implique $ x\succsim y.$ Les préférences $ \succ$ sont strictement monotones si pour tout $ x$ et $ y,$ $ x\geq y$ et $ x\neq y$ implique $ x\succ y$.

($ x\geq y$ et $ x\neq y$ sont des comparaison élément par élément des deux vecteurs)

Définition 5   Une fonction $ U:X\rightarrow\mathbb{R}$ est non-décroissante si pour tout couple de paniers $ x$ et $ y,$ $ x\geq y$ implique $ U\left( x\right)
\geq\left( y\right) $. $ U$ est strictement non-décroissante si pour tout $ x$ et $ y,$ $ x\geq y$ et $ x\neq y$ implique $ U\left( x\right)
>U\left( y\right) $.

Proposition 6   Si $ U$ représente les préférences $ \succ,$ ces préférences sont monotones si et seulement si $ U$ est non-décroissante et ces préférences sont strictement monotones si et seulement si $ U$ est strictement non-décroissante.

La propriété fondamentale qui découle de celles-ci est la non-saturation : pour tout panier $ x,$ il existe un autre panier arbitrairement proche de celui-ci et qui est strictement préféré à lui.

Définition 6   Les préférences $ \succ$ possède la propriété de non-saturation si pour tout $ x=\left( x_{1},\ldots,x_{K}\right) \in
X$ et pour tout réel $ \epsilon>0,$ il existe un autre panier $ y=\left(
y_{1},\dots,y_{K}\right) \in X$ tel que (a) $ \vert x_{j}-y_{j}\vert<\epsilon$ pour tout $ j=1,\dots,K$ et, (b) $ y\succ x$.

Problème 3   Formuler cette définition en termes de la représentation numérique de $ \succ$.

Définition 7   Les préférences $ \succ$ sont continues

  1. si $ \{x^{n}\}$ est une suite de paniers de consommation avec la limite $ x$ et si $ x\succ y$ alors, pour $ n$ suffisamment grand, $ x^{n}\succ y$

  2. et si $ \{x^{n}\}$ est une suite de paniers de consommation avec la limite $ x$ et si $ y\succ x$ alors, pour $ n$ suffisamment grand, $ y\succ
x^{n}.$

1.1.5.2 La convexité des préférences

Définition 8   (a) Les préférences sont convexes si pour tout couple de panier $ x$ et $ y$ appartenant à $ X$ et pour les quels $ x\succsim y,$ et pour tout réel $ \lambda\in\lbrack0,1],$ le panier $ \lambda x+\left(
1-\lambda\right) y\succsim y.$

(b) Les préférences $ \succ$ sont strictement convexes si pour tout $ x$ et $ y$ avec $ x\neq y$ et tout $ \lambda\in\left] 0,1\right[ $, $ \lambda
x+\left( 1-\lambda\right) y\succ y$.

(c) Les préférences $ \succ$ sont strictement semi-convexes si pour tout couple $ x$ et $ y$ avec $ x\succ y$ et tout $ \lambda\in\left] 0,1\right[ $, $ \lambda
x+\left( 1-\lambda\right) y\succ y$.

\fbox{\includegraphics[scale=1]{convexarcxy.eps}}

Une autre manière d'énoncer cette propriété est d'utiliser l'ensemble des paniers faiblement préférés à $ x$ que nous notons par $ efp\left( x\right) =\{y\in X:y\succsim x\}$:

Définition 9   Les préférences $ \succ$ sont convexes si pour tout panier $ x\in X,$ $ efp\left( x\right) $ est convexe.

Rappel 1   Un ensemble $ Z\subseteq\mathbb{R}^{K}$ est convexe si pour tout couple $ x$ et $ y$ et tout réel $ \lambda\in\lbrack0,1],$ le panier $ \lambda
x+\left( 1-\lambda\right) y\in Z$.

En ce qui concerne les conséquences de la convexité sur la représentation numérique, nous devons procéder à la définition d'un certain nombre de notions qui sont fondamentales en microéconomie.

Définition 10   Soit $ Z$ un sous-ensemble convexe de $ \mathbb{R}^{K}$ pour un entier $ K$ et soit $ f$ une fonction qui a pour domaine $ Z$ et pour image $ \mathbb{R.}$

Proposition 7  
  1. Si les préférences $ \succ$ sont représentées par une fonction concave $ U$ alors les préférences sont convexes. Si $ U$ est strictement concave alors $ \succ$ est strictement convexe.

  2. Supposons que $ U$ soit une représentation numérique des préférences $ \succ$. Alors $ U$ est quasi-concave si et seulement si les préférences sont convexes; $ U$ est strictement quasi-concave si et seulement si les préférences sont strictement convexes; $ U$ est strictement semi quasi-concave si et seulement si les préférences sont strictement semi-convexes.

Problème 4   Si $ f:\mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R}$ est une fonction non-décroissante, quelles sont les implications de ces propriétés de $ U$ pour la fonction $ V=f\left( U\right) $ ?

Nous avons mis en place tous les outils pour représenter les goûts du consommateur.

Nous pouvons donc nous intéresser plus directement à son problème de choix.


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Yildizoglu Murat
2002-04-27