A la place d'un monopole qui essaie d'obtenir le profit maximal face à un environnement passif, nous allons maintenant considérer les interactions stratégiques entre plusieurs firmes.

Ces interactions peuvent avoir lieu entre des concurrents effectifs qui sont déjà sur le marché mais aussi, entre des firmes installées et leurs concurrents potentiels : les entrants potentiels.

Dans tous les cas de figure, les firmes doivent tenir compte des réactions de leur concurrents et les intégrer dans leur processus de décision.

Selon les possibilités dont elles disposent, elles peuvent se faire concurrence par le biais de différents instruments.

Fondamentalement, nous pouvons distinguer les divers instruments de la concurrence selon la facilité et la rapidité avec lesquelles les firmes peuvent y recourir.

• Dans le très court terme, les firmes peuvent réagir en modifiant leur prix. On parle alors de la concurrence en prix.

• Dans un plus long terme, elles peuvent essayer de modifier les caractéristiques de leurs produits (qualité, design,...) de manière à isoler, en partie, leur clientèle de ceux des concurrents. Nous parlons alors de la différenciation de produit. Nous étudierons ce phénomène dans le deuxième chapitre.

• Dans des délais semblables, elles peuvent aussi modifier leur capacité de production ou leur structure de coûts (construction de nouvelles capacités, apprentissage par l'expérience,...) (cf. Chapitre 3).

• De même, elles peuvent essayer de limiter la concurrence sur leur marché en contrôlant l'accès à leurs technologies (brevets...).

• Dans le long terme, elles peuvent modifier leur ensemble de technologie par l'innovation (cf. Chapitre 4).

Nous sommes donc bien loin du paradigme S-C-P.

Dans notre analyse, les firmes ont un rôle très actif : elles essaient d'influencer les comportements de leurs concurrents de même que la structure de leur marché.

La démarche des firmes est guidée par un comportement stratégique non-coopératif : Chaque firme agit de manière à préserver ses intérêts individuels.

Ce type de comportement est l'objet des jeux non-coopératifs.

Prenons un jeu simultané entre deux agents où les actions $a_{i}$ appartiennent à l'ensemble des nombres réels. Les fonctions de profits $\Pi^{i}(a_{i},a_{j})$ sont deux fois continûment différentiables et strictement concaves en $a_{i}$. Les conditions suffisantes pour l'équilibre de Nash sont alors données par:

$$\frac{\partial\Pi^{i}}{\partial a_{i}}(a_{i}^{\ast},a_{j}^{\ast})=0.$$

Soit $R_{i}\left( a_{j}\right)$ la meilleure réponse de la firme $i$ quand son concurrent choisit $a_{j}$. Nous avons alors:

$$\frac{\partial\Pi^{i}}{\partial a_{i}}\left( R_{i}\left( a_{j}\right) ,a_{j}\right) =0.$$ (1.1)

S'il existe une solution intérieure alors $a_{i}=R_{i}(a_{j})$ est unique du fait de la stricte concavité et c'est la fonction de réaction de la firme $i$.

Un équilibre de Nash de ce jeu est une paire de stratégies $\left( a_{i}^{\ast},a_{j}^{\ast}\right)$ telle que $a_{i}^{\ast} =R_{i}\left( a_{j}^{\ast}\right) ,\quad i\neq j=1,2.$ Dans cet équilibre chaque firme réagit de manière optimale à l'action anticipée de son concurrent.

La pente de la fonction de réaction joue un rôle important dans la détermination de l'équilibre. En différentiant l'équation   $\left( \ref{CNNash}\right)$ nous pouvons obtenir:

$$R_{i}^{\prime}\left( a_{j}\right) =\frac{\partial^{2}\Pi^{i}/\partial a_{i}\partial a_{j}}{-\partial^{2}\Pi^{i}/\left( \partial a_{i}\right) ^{2} }$$ (1.2)

$$\Rightarrow sgn\left( R_{i}^{\prime}\left( a_{j}\right) \right) =sgn\left( \frac{\partial^{2}\Pi^{i}}{\partial a_{i}\partial a_{j}}\right)$$ (1.3)

La pente de la courbe de réaction dépend donc de la dérivée seconde croisée du profit de la firme $i$. Cette dérivée nous donne l'influence de l'action de $j$ sur le profit marginal de $i$.

• La courbe de réaction est croissante si
  $$\dfrac{\partial^{2}\Pi^{i}}{\partial a_{i}\partial a_{j}}>0.$$
  Les actions des deux firmes sont alors des stratégies complémentaires.

• Elle est décroissante sinon. Les actions des deux firmes sont des stratégies substituables.

Les prix sont souvent des stratégies complémentaires et les quantités sont des stratégies substituables.