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Sous-sections


Conséquences organisationnelles des NTI

Les conséquences des NTI sont plus visibles et multiples pour les entreprises et pour les individus.

Pour les entreprises, toute l'organisation peut à terme être mise en cause par la généralisation de ces technologies.

Plus spécifiquement, les canaux de commercialisation s'enrichissent par l'émergence du commerce électronique.

En contre-partie, le développement de l'Internet met à mal la protection des droits de propriétés des entreprises dans la mesure où le réseau des réseaux a comme modèle fondateur la gratuité et la disponibilités libres des logiciels.

La facilité à récolter et à stocker les informations met aussi en danger les libertés individuelles dans l'entreprise mais aussi pour les ménages.

Organisation des entreprises : le défi de l'Internet

Quelles sont les opportunités apportées aux entreprises par l'Internet?

Dans quelle mesure peuvent-elles en bénéficier?

L'Internet et la concurrence

L'Internet a modifié la définition même des marchés des firmes et de la concurrence.

Pour les activité commerciale, l'Internet est un marché décentralisé où l'entrée est assez libre et l'information est plus facilement disponible (une plus grande transparence).

La concurrence est par conséquent plus forte que sur d'autres marchés.

Mais cette tendance doit être nuancée dans la mesure où l'information sur laquelle sont basées les NTI est un bien particulier: sa production se fait avec un coût marginal nul et sa consommation n'est pas exclusive.

Dans la mesure où la production nécessite un investissement fixe important qui ne peut être amorti qu'avec un volume de vente important, les entreprises du secteur ont tendance à étendre le plus possible leur marché et leur taille.

Il existe alors une pression très forte de la part des entreprises du secteur pour la libéralisation des échanges et pour la connection des marchés.

De plus, dés qu'un marché est établi, le leader cherche le monopole en vue d'amortir rapidement ses coûts fixes.

Les pouvoirs publics doivent alors s'assurer que le monopole sur des marchés établis ne mettent pas en cause l'innovation qui va être la source de nouveaux marchés.

L'Internet et la création de valeur

Quelles sont les nouvelles activités créées par l'Internet?

Dans quelle mesure sont-elles source de profits pour les entreprises et source de valeur pour les économies adoptant les NTI?

Nous avons vu que derrière les gains de productivités il y avait la loi de Moore (multiplication de la puissance de calcul des microprocesseurs tous les dix-huit mois).

Derrière la création de valeur sur l'Internet, il y a une autre loi: la loi de Metcalfe (du nom de Bob Metcalfe, fondateur de la Société 3Com) selon laquelle la valeur d'un réseau de communication augmente chaque fois qu'une nouvelle personne se connecte au réseau.

Le fait que le nombre d'internautes en France soit passé de 1.2M en 1997 à 5.6M en 1999, augmente considérablement la valeur du réseau.

Mais cette valeur est loin d'être une source de profit significative pour les entreprises car la gratuité est encore la règle sur le réseau: les pages marchandes représentaient seulement $ 15\%$ des pages en 1998.

Aux E.U. le premier site marchand (amazon.com) n'arrive qu'en onzième position parmi les sites le plus consultés.

Quelles sont les différents types de services que les entreprises peuvent proposer sur l'Internet?

Type de site Définition Financement Exemple
Hébergeur Stockage de pages sur un serveur G-A-P-B multimania.fr
FAI Solutions de connection G-A-B www.free.fr
Site de contenu Fournisseur d'information G-A-P-B www.liberation.fr
Site commercial Vente de biens ou services Paiement à l'achat et P-B www.amazon.fr
Site portail Annuaire de pages web P-B www.yahoo.fr
Courriel gratuit Hébergement de BAL P-B www.caramail.com
Moteur de recherche Recherche sur l'Internet P-B www.google.com
Liste de diffusion Diffusion d'info. spécialisées G-A www.internet-actu.fr

G : gratuit - P : publicité - A : abonnement - B : capitalisation boursière

Le financement par la publicité est en baisse très forte depuis 2000:

\includegraphics[
height=6.524cm,
width=7.027cm
]{pubonlineus.eps}
Budget de la publicité en ligne aux E.U. (Source Futur(e)s, Mai 2001)

Le financement par capitalisation boursière a fortement souffert de l'éclatement de la bulle technologique:

\includegraphics[
height=4.0154cm,
width=6.0231cm
]{nasdaqcisco.eps} \includegraphics[
height=4.0154cm,
width=6.0231cm
]{nasdaqms.eps}
Évolution du cours de CISCO Évolution du cours de Microsoft

Le statut des sites de commerce électronique (click and mortar) est un peur différent et nous les considérerons dans la section suivante.

Les start-up financés sur la Bourse avec la promesse de revenues publicitaires à venir ont très peu de chance aujourd'hui.

Par conséquent le glas du gratuit a sonné sur l'Internet, du moins pour les activités des compagnies commerciales.

Beaucoup de sites (notamment ceux des médias traditionnelles) réduisent la part du gratuit en faisant passer le reste sous abonnement (Wallstreet Journal, La Libération,...).

Mais l'information est abondante sur l'Internet et donc uniquement celle qui est taillée sur mesure et spécifique peut avoir une valeur pour laquelle des consommateurs sont prêts à payer.

D'autres s'inspirent du modèle de logiciel libre et fournissent certains services gratuitement tout en proposant des services complémentaires payants (lesechos.fr fait uniquement payer la version personnalisée du journal; RedHat et Mandrake font payer le support qu'ils fournissent avec leur distribution gratuite du Linux).

Le business-model de la nouvelle économie est par conséquent encore en formation et les entreprises cherchent le modèle qui va être source de profits.

Le commerce électronique

Le commerce électronique n'est pas nouveau pour les entreprises françaises (le Minitel est apparu à Rennes en 1983).

Mais avec l'Internet, il change d'échelle en devenant mondial: le petit producteur artisanal de foie gras peut maintenant vendre son produit dans le Monde, le lecteur averti peut maintenant acheter sur amazon.com l'ouvrage américain qui vient de paraître.

Il est évident que cette possibilité risque à terme de changer totalement l'appropriation de la valeur le long de la chaîne de commercialisation et mettre en difficulté les grossistes et autres distributeurs.

Les grands groupes de distribution ont compris l'importance du phénomène: le groupe Pinault-Printemps-Redoute prévoit de dépenser 200M de Francs au développement du site de la Fnac.

Malgré ces promesses, le commerce électronique reste encore assez marginale, surtout en ce qui concerne le commerce avec les particuliers (B2C) tandis que le commerce inter-entreprises a vraiment décollé (voir Figure 5.1) et constitue $ 80\%$ du commerce en ligne.

Le modèle EDI (Échange électronique de documents) qui s'était imposé dans les BTP et l'automobile s'est vu remplacé par l'Internet ou, plus exactement, par l' intranet .

Figure 5.1: Transactions B2B sur l'Internet aux E.U.
\fbox{\includegraphics[scale=0.35]{usb2becommerce.eps}}

Le commerce électronique ne représente aujourd'hui que $ 1\%$ des échanges commerciaux aux E.U.

Mais il couvre de plus en plus de secteurs et de fonctions de l'entreprise: allant des produits culturels (livres, CDs) à la commercialisation automobile, en passant par la publicité ou les ressources humaines.

C'est un phénomène qu'une grande entreprise ne peut se permettre de négliger aujourd'hui, de peur d'être dépassée demain par ses concurrents.

\includegraphics[
height=6.0231cm,
width=11.0424cm
]{frcomelec.eps}
Les revenus du commerce électronique en France (Source : Cahier Français n $ {{}^\circ}295$)

Les défis pour les entreprises: l'exemple d'Amazon

L'Internet et l'organisation des entreprises

Comme l'exemple du commerce électronique le montre, même dans le cas de l'introduction de TICs dans une seule fonction de l'entreprise (la commercialisation) implique des changements majeurs dans le reste.

En fait, la réorganisation est la condition nécessaire pour les entreprises pour pouvoir bénéficier pleinement des TICs.

Philippe Ashkenazy (CAE 2000) montre que près des deux tiers des entreprises manufacturières américaines se sont réorganisées dans les années 80.

Les secteurs les plus fortement réorganisés: les textiles, les produits chimiques, les produits métalliques, des machines, les équipements de transport et l'électronique.

Les secteurs moyennement réorganisés: l'agro-alimentaire, les produits minéraux non-métalliques, les produits papiers, les industries métalliques de base.

Les secteurs peu ou pas réorganisés: les produits du bois, les mobiliers et équipements, l'impression et la presse.

L'atonie des derniers en France comme aux E.U. explique pourquoi leur productivité globale s'est réduite au cours de la décennie 1983-93.

La productivité des secteurs qui se sont réorganisés, reste encore plate en France.

On pourrait voir en cela la promesse des gain de productivité futurs dans ces secteur (en suivant l'exemple américain).

Mais pour les entreprises qui ne se réorganise pas, les TICs vient tout simplement grever leur productivité en s'ajoutant aux coûts.

Par conséquent, au delà du commerce électronique, l'Internet n'est pas seulement un nouveau canal de vente pour l'entreprise.

Il nécessite une organisation réactive pour la production et la distribution.

Les attentes du client se placent au coeur de l'activité de l'entreprise et l'outil informatique est utilisé pour les connaître.

Il faut alors leur faire face rapidement et précisément.

Étant donné qu'il est très difficile d'être réactif sur plusieurs fronts, les entreprises centrent leurs activités sur leur métier de base: la vague des diversifications est maintenant suivie par une vague de fusions entre des entreprises dont les activités sont voisines ou directement complémentaires (AOL et Time Warner, Vivendi et Vodafone...).

En plus de ces réorganisations au niveau du secteur, à l'intérieur des entreprises, une nouvelle organisation du travail semble émerger et s'imposer.

La nouvelle organisation du travail

Parallèlement au développement spectaculaire des technologies de l'information, les entreprises américaines ont adopté de nouvelles pratiques de travail.

Ces dernières sont qualifiées par l'OCDE de flexibles.

Les diverses innovations organisationnelles cherchent à rompre avec la logique du modèle tayloriste:

Exploitation des économies d'échelle, standardisation des produits, un homme=une tâche.

Les objectifs sont désormais l'adaptabilité à la demande, la réactivité, la qualité et surtout l'optimisation du processus productif notamment à travers l'utilisation de toutes les compétences humaines.

Ces objectifs se traduisent par une polyvalence accrue des salariés et une délégation de responsabilité aux niveaux hiérarchiques inférieurs.

On peut déterminer un noyau de quatre nouvelles pratiques clefs de travail : les équipes autonomes, ainsi que les démarches de qualité totale, la rotation de postes et, dans une moindre mesure, les cercles de qualité.

Parallèlement à ces pratiques de travail, les entreprises adoptent des dispositifs organisationnels comme le juste-à-temps et le nivellement des structures hiérarchiques.

Elles renforcent la formation des salariés et développent de nouveaux modes de rémunération (intéressement, bonus à l'acquisition de compétence).

On peut établir un répertoire non exhaustif des dispositifs organisationnels flexibles (Source Ashkenazy, CAE(2000)):

Module :
groupe de salariés polyvalents qui assurent la réalisation complète d'un bien ou d'un service le plus souvent intermédiaire.

Objectifs : réactivité, réduction des temps morts, solution à l'absentéisme.

Équipe autonome :
groupe (module) d'ouvriers, d'employés, de commerciaux ou de cadres collectivement responsables et libres de s'organiser autour d'un ensemble limité et cohérent de tâches.

Rotation de postes :
mobilité des salariés, après formation, d'un poste de travail ou d'un service à un autre.

Objectifs : solution à l'absentéisme sur les tâches essentielles ; connaissance par le salarié de ses collègues et de l'ensemble du processus productif de biens comme de services.

Équipe de projet :
groupe de salariés de différents services de l'entreprise qui se réunissent régulièrement autour d'une innovation de produit.

Juste-à-temps :
production dès réception de la commande et livraison du client dans un délai très bref.

Objectifs : suppression des stocks et satisfaction du client.

Démarches de qualité totale
(Total Quality Management TQM) : ensemble de procédures pour rencontrer un objectif de qualité. Les procédures peuvent être très formalisées pour obtenir une certification ISO ou bien très évolutives pour une amélioration continue.

Objectifs : garantir la qualité aux clients.

Cercle de Qualité :
rencontre régulière et formelle de salariés pour identifier et résoudre collectivement des problèmes de production ou de qualité.

TPM
(Total Productive Maintenance) : ensemble de pratiques (analyse des pannes, inspection et nettoyage de son poste...) cherchant à assurer une maintenance préventive de l'équipement.

Les principaux enseignements de l'exploitation des données sur établissements américains de plus de 50 salariés sont :

En outre, seulement $ 11\%$ des établissements appliquaient au moins trois des pratiques clefs en 1992.

On peut donc considérer qu'au début des années quatre-vingt-dix, l'utilisation de la gamme complète des pratiques flexibles restait exceptionnelle.

Néanmoins, selon Osterman (2000), la proportion d'établissements appliquant au moins trois pratiques est passée à près de $ 40\%$ en 1997.

On assiste donc aux E.U., principalement dans les années quatre-vingt-dix à un approfondissement de la flexibilité du travail.

En ce qui concerne la France :


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Murat Yildizoglu