Licence Analyse et Politiques Economiques

Année 1999-2000

 

 

ACCUMULATION DU CAPITAL ET CROISSANCE

  Guillaume Mangin

 

INTRODUCTION

 

 

I / LES PRINCIPALES THEORIES DE LA CROISSANCE PAR ACCUMULATION  

    DU CAPITAL

 

1 / Karl MARX : dans la continuité des classiques

 

2 / Les théories modernes de la croissance

 

 

II / LE CAS DES PAYS RICHES

 

1 / Croissance et investissement : une relation étroite

 

a)     Facteurs explicatifs

b)     Comparaison entre différents pays : Europe, Etats-Unis, Japon.

 

2 / Cas particuliers :

 

a)     Les Etats-Unis

b)     La France

 

            3 / Un exemple de N.P.I. : La Corée du Sud

 

 

III / LE CAS DES PAYS PAUVRES

 

            1 / Développement des pays pauvres

 

            2 / Cas particuliers :

 

a)     L’Argentine

b)     Le cas de l’Afrique

 

 

CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

 

            La croissance, mot clef de l’économie actuelle, peut être mis en parallèle avec une multitude de facteurs plus ou moins distincts. Dans la présente analyse, nous établirons la relation existante entre accumulation du capital et croissance.

 

Une approche historique et l’étude de cas concrets nous fournirons le cadre de notre développement. Les principales théories de la croissance par le capital, le cas des pays riches ainsi que des Nouveaux Pays Industrialisés (NPI) puis le cas des pays pauvres seront les principaux fils conducteurs pour tenter d’expliciter la relation entre croissance et accumulation du capital.

 

 

 

I/ LES PRINCIPALES THEORIES DE LA CROISSANCE PAR LE CAPITAL

 

 

1/ Karl MARX (1818-1883) : Dans la continuité des classiques

 

            Dans la lignée de la vision pessimiste du capitalisme de David Ricardo, considérant que l’accroissement des gains de productivité ne peut se faire qu’au niveau de l’industrie mais ayant peur d’une flambée des prix agricoles, Karl Marx est sans doute l’économiste classique qui a réalisé l’analyse la plus complète du capitalisme.

 

            Il a reconnu et mis au devant de la scène le rôle de la puissance productive en usine et le rôle de l’accumulation du capital fixe dans le progrès économique. Le progrès technique est également perçu comme facteur de la croissance économique. L’accumulation du capital et le progrès technique sont donc deux sources de la croissance chez Marx.

 

            Par la suite, Schumpeter (1883-1950) met plus l’accent sur le développement du progrès technique au sein des entreprises plutôt que sur le rôle d’une accumulation de capital.

 

 

2/ Les théories modernes de la croissance

 

            Les théories contemporaines de la croissance sont nées dans les années 1940 d’une reformulation dynamique de la théorie keynésienne centrée sur l’accumulation du capital. Cette théorie est ainsi définie par Keynes (1883-1946) : « L’investissement […] correspond à l’accroissement de l’équipement en capital, que cet accroissement porte sur le capital fixe (immeubles, outillages…), le capital circulant (marchandises en cours de fabrication) ou le capital liquide (produits achevés prêts à être vendus). » [ Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie]

 

            Le modèle keynésien de base est tout d’abord repris par Harrod (1939) et Domar (1946) qui ont mis l’accent sur l’instabilité du système capitaliste du fait du contexte historique ( Grande dépression des années 1930). En fait, Harrod étend le modèle keynésien en y incluant la dynamique du capital (l’investissement) et de l’emploi (la population active).

            Les deux articles publiés par Robert Solow en 1956 dans Quaterly Journal of Economics marquent vraiment le regain d’intérêt pour les théories de la croissance. Le modèle de Solow, faisant part d’une vision rigide du capitalisme, est une riposte au modèle d’Harrod. En effet, c’est un modèle simple qui met l’accent sur l’accumulation du capital physique tout en faisant de la technologie un facteur exogène.

 

            Ce modèle sera remis au goût du jour dans les années 1980, après une interruption due aux chocs pétroliers, sous une forme plus complète incluant le capital humain (l’enseignement ou l’apprentissage est perçu comme un investissement qui accroît la productivité et les revenus escomptés à l’avenir) suite aux travaux de P. Romer et R. Lucas.

 

 

 

II/ LE CAS DES PAYS RICHES

 

 

1/ Croissance et investissement : une relation étroite

 

a)     Facteurs explicatifs

 

      La croissance de la production demeurent souhaitable dans les pays riches  ne serait ce que pour maintenir un certain niveau de vie ou assurer des services et/ou besoins encore inexistants. Cette croissance est facilité par une accumulation ancienne de capitaux et par des traditions intellectuelles.

 

      La croissance économique de ces pays n’en est pas pour autant à l’abri de crises et, pour poursuivre leurs progressions économiques sans ralentissement, les pays riches doivent sans cessent investir dans des domaines nouveaux influencés par le progrès technique ou la naissance de marchés. Notons que l’investissement est indissociable du capital. En effet, le capital et donc le niveau de production d’un pays augmentent toujours grâce à l’investissement.

 

 

b)     Comparaison entre différents pays : Europe, Etats-Unis, Japon

 

Sur la période 1980-1998, on observe une relation étroite entre les taux de          croissance réels du PIB et des investissements (voir graphique). Chaque investissement contribue donc à la modernisation du stock de capital et de la structure économique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’après le graphique, nous constatons que le Japon et les Etats-Unis, favorisés par un niveau bas des taux d’intérêts, montrent la progression des investissements la plus impressionnante. L’économie espagnole a été fortement stimulée suite à son intégration dans l’Union Européenne.

 

 Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Autriche se trouvent dans la zone intermédiaire de croissance des investissements. Pour les Pays-Bas, la force motrice a été une accélération de la croissance tirée par les exportations liées à une dévaluation importante. Au début des années 1980, ce pays a ainsi complètement pu éviter la récession que traversaient les autres pays. L’Autriche offre un parcours similaire. Depuis 1983, le taux d’investissement s’est accru presque continuellement pour atteindre un niveau de 26 %. Au Royaume-Uni, la libéralisation a attiré beaucoup de capitaux et a aussi mobilisé des investissements nationaux, ce qui n’empêche pas le taux d’investissement britannique de diminuer depuis 1989.

 

Les pays qui se distinguent sensiblement par le recul de leur taux investissement sont l’Allemagne, la France, la Suède et surtout l’Italie. En Allemagne, la croissance du PIB a pu encore suivre celle des pays du groupe intermédiaire, en raison de la conjoncture exceptionnelle provoquée par la réunification. Dans l’ensemble, par contre, le taux d’investissement allemand a fortement baissé depuis 1980 et s’est accompagné d’un transfert partiel des activités d’investissement de l’Ouest vers l’Est. En Suède, les investissements ont été freiné par des prélèvements importants destinés à financer l’Etat Providence. En France et en Italie, la demande a été freiné pendant une longue période par l’abandon de la politique monétaire laxiste.

 

2/ Cas particuliers

 

a)     Les Etats-Unis

 

Le cycle actuel des Etats-Unis se caractérise par une croissance exceptionnelle des investissements, aussi bien au niveau de l’équipement que du matériel. Cela n’a pas toujours été le cas et nous remarquons que la récession, quand elle est présente, est marquée par un recul plus ou moins important de l’investissement. La représentation graphique suivante en est la parfaite illustration.

 

 

 

 

La récession de 1991, tout comme ses antécédentes, n’échappe pas à cette règle et fait état d’une baisse importante du taux d’investissement par rapport au PIB.

 Au niveau du redémarrage de l’activité suite à cette crise, le rythme de croissance de la formation brute de capital fixe s’est constamment élevé. A titre d’exemple, l’investissement productif au niveau de l’industrie a progressé de :

 

 

            L’investissement en ordinateurs et accessoires informatiques, bien que déjà présent dans les années 1980 mais en minorité, apparaît comme le véritable moteur de ce retour à la croissance.

 

            L’effort d’investissement des entreprises américaines traduit une volonté de renouvellement et de modernisation des équipements dont la conséquence est une extension des capacités de production. Le progrès technique et l’accumulation du capital sont donc des déterminants de la croissance aux Etats-Unis. Ce pays, en terme d’investissement en matériel informatique, possède par ailleurs une avance considérable sur l’Europe et sa croissance ne peut s’en porter que mieux .

 

 

     b)    La France

           

          Dans le contexte actuel de la concurrence, l’investissement des entreprises apparaît comme primordial et est certainement l’un des facteurs déterminants de la croissance. Dans ce domaine, la France accuse un certain retard par rapport aux grandes puissances économiques étrangères. Il suffit de prendre le graphique suivant pour se rendre compte que la France est dans une perspective décroissante au niveau de son taux d’investissement.

 

 

 

 

       En effet, mis à part la reprise de 1984-85, le taux d’investissement est sur une pente décroissante durant la majeure partie des années 1970 et début 1980 ainsi que tout au long du début des années 1990 (non présent sur l’illustration). Cette insuffisance ou ce retard au niveau de l’investissement s’explique par trois facteurs.

 

       Tout d’abord, une orientation insuffisamment dynamique des perspectives de la demande explique en partie ce ralentissement de l’investissement. Le retour à des rythmes de croissance plus dynamiques passerait, tout comme aux Etats-Unis, par une augmentation des dépenses dans les nouvelles technologies. L’informatique permet par exemple de relancer les efforts d’investissement et donc d’équipement.

 

       En effet, la reprise naissante de 1992 est due en partie à un démarrage de l’investissement en matière de technologies nouvelles, à savoir en matière de matériel et d’équipement en informatique, et non à l’accélération de l’investissement traditionnel. L’investissement stagne et stagnera en France et en Europe tant que l’investissement traditionnel n’aura pas laissé sa place à l’investissement de type nouveau.

 

       A titre indicatif, la part des investissements en matériels informatique dans la formation brute du capital fixe des entreprises est de 20 % en France contre 40 %, soit le double, aux Etats-Unis en 1996.

 

       Au travers de ce premier facteur, un effort investissement en technologie entraînerait très certainement une croissance plus forte. Le progrès technique, dans ce cas, est donc un facteur déterminant de la croissance.

 

       Le deuxième facteur résulterait d’une utilisation plus efficace que par le passé du capital installé. En effet, la productivité du capital en produits manufacturés n’a cessé de se dégrader depuis les années 1970 mais paraît s’être stabilisé depuis le début des années 1990. Cela semble indiquer que les entreprises utilisent mieux que par le passé leurs capacités de production.

 

       Dans un tel contexte, les entreprises sont donc moins tentées de renouveler ou d’accroître leur stock de capital. Ceci a bien sûr pour répercussion un impact négatif sur l’investissement et donc sur la croissance.          

 

       La contrainte financière représente le dernier facteur. Que ce soit au niveau des dettes, des difficultés de trésorerie, …, les entreprises sont confrontées à bien des problèmes qui ne favorisent en aucun cas la possibilité ou même le désir d’investir.

 

       Les trois facteurs que nous venons d’exposer expliquent en partie le retard que connaît la France en matière d’investissement, notamment vis à vis des Etats-Unis. Ces éléments influencent donc sur l’utilisation du capital ou l’investissement et donc sur la croissance en France.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     3/ Un exemple de NPI : la Corée du Sud

 

 

     La guerre de Corée (1950-53) a entraîné la destruction de près des deux tiers de la capacité de production du pays et la mort de près d’un million de personnes. Il fallu attendre 1961 et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement décidé à assurer le développement économique du pays pour entrevoir le début du véritable décollage de la Corée du Sud.

 

     Ce développement économique sera sans précédent et, dans les trente années suivantes, le taux de croissance annuel moyen du PIB a été l’un des plus élevé du monde (8,6 %). Le taux d’investissement dans ce pays a également bénéficié de cette croissance rapide et, sur la période représentée par le graphique suivant, ce taux offre une courbe d’allure croissante (malgré quelques fluctuations engendrées par les différentes crises mondiales) passant de 19 % en 1972 à 37 % du PIB en 1990.

 

 

 

     Parmi les facteurs qui ont entraînés cette croissance, nous pouvons citer le transfert de la main d’œuvre de l’agriculture vers le secteur du secondaire. La Corée du Sud a également investi en capital humain c’est à dire dans l’éducation et donc dans un progrès constant des connaissances de sa population pour acquérir un certain savoir faire dans de nouveaux domaines. A titre indicatif, la durée moyenne de scolarité était de 7 ans dans les années 1970 contre 10 ans actuellement.

 

     La Corée du Sud s’est par ailleurs ouvert sur le monde extérieur en intensifiant ses exportations de produits manufacturés à forte intensité de main d’œuvre.

 

     La croissance rapide des facteurs de production que sont le capital et le travail  est donc la principale source de l’expansion économique de ce pays. Contrairement aux Etats-Unis, le progrès technique semble jouer un rôle beaucoup plus limité. La croissance rapide de la Corée du Sud peut donc être expliqué dans le cadre d’un modèle de Solow.

 

 

 

 

III/ LE CAS DES PAYS PAUVRES

 

 

     1/ Le développement des pays pauvres

 

 

     Une croissance rapide du produit par habitant est difficile à réaliser dans les pays pauvres. Dans la plupart d’entre eux, la population augmente très vite. De plus, la pauvreté sans cesse en évolution limite étroitement les épargnes possibles à la base de la formation du capital et donc de l’investissement.

 

     Ces pays ont donc besoin de l’aide des pays riches sous forme de techniciens ou de capitaux pour réussir le décollage de leur économie c’est à dire pour élever leurs activités productrices à un niveau qui servira de base à leur propre développement.

 

     Par ailleurs, les investissements doivent être en mesure de tirer le meilleur parti de l’abondance de la main d’œuvre de ce pays. Certains investissements très utiles dans des pays développés et permettant d’économiser du travail humain s’avèrent totalement contre indiqués dans des pays surpeuplés. En effet, ces investissements seraient fait au détriment d’autres qui créeraient beaucoup plus d’emploi.

 

 

 

2/ Cas particuliers

 

 

a)     L’Argentine

 

L’Argentine faisait partie des pays les plus riches du monde à la fin du XIXème siècle avant que des réformes politiques, au début du XXème, ne la plonge dans une profonde crise économique. Le graphique suivant représentant le taux d’investissement par rapport au PIB du pays dans la période 1970-90 illustre parfaitement l’économie argentine au XXème siècle. En effet, le taux d’investissement suit une pente décroissante.

 

 

 

 

 

       Mais l’Argentine redresse la tête depuis 1990 et l’élection de M. Menem à la présidence. L’ouverture de l’économie à la concurrence en baissant les droits de douane sur l’importation et la privatisation de nombreuses entreprises visant à attirer des investisseurs étrangers furent les deux principales mesures prises par le nouveau président.

 

       Pour preuve de réussite, l’investissement s’est accru de 115 % depuis 1990 (chiffre de 1995) mais reste encore inférieur à 25 % du PIB. Malgré cela, l’industrie argentine souffre toujours d’une pénurie de capitaux pour redécoller pleinement au niveau de son économie.

 

 

b)     Le cas de l’Afrique

 

La progression des flux d’investissements étrangers vers les régions en développement a, dans une large mesure, négligé l’Afrique. Pour la période 1990-97, les investissements étrangers représentaient 470 milliards de dollars mais la part de l’Afrique ne se chiffrait qu’à 5 % de ce total, soit 23 milliards.

 

Les raisons principales de cette marginalisation à l’heure de la mondialisation sont multiples. Le risque et l’instabilité politique, la gestion incompétente de l’économie ainsi que les insuffisances structurelles et institutionnelles (gestion médiocre des entreprises, formation inadéquate de la main d’œuvre, faible productivité…) forment donc un cadre hostile à l’investissement de capitaux étrangers.

Cependant, les solutions pour attirer les investissements étrangers existent. Cet accueil de capitaux exige un gouvernement stable du pays et le maintien d’un environnement aussi bien juridique que réglementaire transparent et durable. Dans ce cas, une corrélation est possible entre investissements étrangers et développement soutenable.

 

Les investissements des multinationales apportent des avantages à long terme sous la forme de transfert de technique, de progrès des exportations et de facilités d’accès aux marchés extérieurs mais entraînent également des gains de productivité grâce à la formation de capital fixe et à l’investissement en capital humain.

 

Dans ce domaine, une amélioration sensible s’est fait sentir. En effet, les entrées de capitaux étrangers en Afrique ont augmenté modérément depuis le milieu des années 1990. L’ouverture des économies ainsi qu’une stabilité des  politiques macroéconomiques dans la plupart des pays confortent ce mouvement. Pour combien de temps ?

 

 

CONCLUSION

 

     La croissance de la production et donc du capital est limitée par l’ampleur des investissements possibles. Ils peuvent être d’autant plus grands que le produit national est important et l’épargne abondante.

 

     Notons que l’un des éléments fondamental dans la réalisation d’une croissance favorable est certainement la position du gouvernement d’un pays par rapport aux entrepreneurs et donc aux investissements. En effet, un gouvernement qui minimise le coût d’installation de l’investissement et maximise la valeur actualisée des profits futurs encourage nécessairement l’investissement dans le pays et donc la croissance.

 

     Au vu des différents cas exposés auparavant, nous déduisons que plus un pays favorise l’investissement  en capital physique et/ou humain, plus il est riche. L’accumulation des diverses formes du capital peut donc être considérée comme un facteur explicatif pertinent de la croissance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

 

 

 

Investissement et croissance aux Etats-Unis

Avouyi-Dovi S., Quéron A. (1996)

 

 

Croissance et cycles :Théories contemporaines

Pierre Alain Muet

Edition Economica (1993)

 

 

Eléments d’économie politique

Jean-marcel Jeanneney

Presse Universitaire de France (1969)

 

 

Problèmes économiques n°2591-2592

« Les déterminants de l’investissement » p.54 à 59

Alain Brunaud (1998)

 

 

Problèmes économiques n°2570

« Investissements et emplois publics : une comparaison internationale des politiques » p.16 à 22