Dossier A5:

La croissance économique dans le reste du monde au XIXième siècle

Diego DE BIASIO
licence APE - 1999



Table des matières :



1. Brève introduction historique :

1.1. Les effets de la colonisation :

1.2. Les changements qu'amène la révolution industrielle dans le reste du monde 

1.3. Pourquoi la révolution industrielle n'a pas touché tout le monde ?

2. Les différents continents au XIXième siècle :

2.1. L'Amérique latine

2.2. L'Afrique 

2.3. Le Maghreb

2.4. L'Asie

2.5. Le Moyen Orient 

2.6. Les cas spéciaux de l'Argentine, du Japon et de l'Australie

3. Conclusion et annexe de tableaux







1. Brève introduction historique :



Cette première partie s'intéressera donc brièvement au cadre historique qui régit le monde avant le XIXième siècle. On peut dire que c'est le XVIième siècle qui marque le début des relations entre l'Europe et le reste du monde. A cette date on ne peut pas vraiment dire que l'Europe ait une avance quelconque sur le reste du monde. Il est vrai qu'elle possède un éventail de techniques assez large, une agriculture forte, une uniformité religieuse et culturelle et un esprit d'ouverture très développé, ce qui se reflète notamment par une période intense de voyages d'exploration. Il faut cependant préciser que cette soif de découvertes et d'expéditions était aussi apparue pour contourner le principal livreur de l'époque, à savoir le Moyen Orient. L'empire ottoman était le régime le plus proche de l'Europe et n'avait rien a envier à celle-ci, ni au niveau technologique ni à celui économique. La Perse était sur le plan culturel sans aucun doute la plus avancée. Pour ce qui est de l'Afrique du Nord on pense qu'elle était plus urbanisée que l'Europe (Caire : 450.000 habitants Paris : 125.000) et que son développement économique et technique était semblable à celui européen sinon supérieur (agriculture). L'Afrique au Sud du Sahara possédait quant à elle des techniques proches de celles de l'Europe des XIième et XIIième siècles. Cette région connût très tôt la pénétration de l'islam, qui fût le premier à exploiter les autochtones en tant qu'esclaves (1500). L'Asie était quant à elle une région quatre fois plus peuplée et plus vaste que l'Europe, plus avancé, riche et puissante. Les principales civilisations d'Asie possédaient vers le XVIième siècle un développement économique et technique supérieur à celui européen. Les deux empires dominants dans cette région étaient la Chine et l'Inde qui représentaient plus ou moins 80% du continent. Il y avait une forte urbanisation avec deux tiers des plus grandes villes du monde en Chine, une agriculture avancée et une sidérurgie où l'on connaissait des techniques qui n'allaient apparaître en Europe qu'au XIXième ou après la révolution industrielle. La Chine sera cependant freinée par l'envahissement des Mongols. L'Inde est très proche du cas chinois sauf qu'elle sera une conquête musulmane dès le XVIième siècle et sera donc un obstacle à la pénétration européenne. Les autres pays de l'Asie ont tous une évolution historique propre qui sort de notre cadre d'analyse. On peut cependant dire que leurs villes sont assez urbanisées et qu'ils possèdent une bonne agriculture. Le dernier continent est l'Amérique. La zone la plus intéressante ici est sans aucun doute l'Amérique centrale qui regroupait plusieurs civilisations avancées et des cités développées, parfois plus que celles européennes, mais dans lesquelles subsistaient des lacunes qui leur seront fatales par la suite. Les principales découvertes sont le calendrier des Mayas, l'orfèvrerie des Aztèques, la métallurgie et l'agriculture des Incas ainsi que leurs systèmes d'irrigation et de stockage des céréales. Du côté des lacunes on trouve un isolement important, l'absence de chevaux, d'armes à feu et d'une métallurgie de fer.







1.1. Les effets de la colonisation :



Voyons maintenant ce que la colonisation européenne aura comme conséquences pour ces régions. Cette colonisation, qui ne fût ni la première (ottoman-Europe) ni la plus longue de l'histoire, peut se caractériser de cette façon. Il y avait un effort d'imposer de gré ou de force la civilisation de la métropole, on voulait subordonner la vie économique de la colonie aux intérêts de la métropole et pour finir il y avait une discrimination sur la race. On distingue deux sortes de colonisations qui sont cependant souvent complémentaires : celle d'exploitation, où l'on veut se procurer certaines ressources rares ou écouler d'autres produits, et celles de peuplement, pour alléger la pression démographique des métropoles (notamment le cas de l'Australie). Souvent on choisissait d'y exporter la population marginaliste de la métropole comme les vieux, les pauvres, les prisonniers et les enfants abandonnés. Les compagnies commerciales coloniales, l'instrument de colonisation le plus puissant, agissaient souvent comme des Etats souverains sur la colonie. Leurs pouvoirs dépassaient parfois ceux purement économiques. On retrouve aussi les missions religieuses ou les sociétés géographiques qui ont joué leur rôle dans certain cas. Une autre caractéristique de ces colonies est que quantitativement les Européens y étaient très faibles.



1.2. Les changements qu'amène la révolution industrielle dans le reste du monde :



Pour ce qui est des instruments techniques on peut dire que la révolution industrielle a permis de contrôler des régions plus vastes et non plus que côtières et ceci grâce à la suprématie européenne sur le plan maritime et militaire. Les chemins de fer vont aussi jouer un très grand rôle dans la capacité de ravitailler les ports de produits agricoles et dans l'augmentation du taux de pénétration des produits manufacturés de la métropole. La structure des réseaux ferroviaires nous montre très bien le sens de l'évolution. Dans les pays européens le réseau est étoilé et dans les colonies il a plus la forme d'un entonnoir. L'Inde aura par exemple sa première ligne en 1853 et Cuba en 1837 en même temps que l'Allemagne, l'Autriche ou la Russie et avant l'Italie, la Suisse et les Pays-Bas. En quarante ans (1860-1900) l'Inde passera de 1.400 km à 40.000 km de lignes, l'Amérique latine en aura environ 61.000 km. La communication joue aussi un grand rôle. L'information met moins de temps à circuler ce qui va bouleverser l'exploitation économique et politique de ces régions. Vers le début du XIXième siècle presque tous les pays de l'Amérique latine sont indépendants mais leur spécialisation de la période coloniale rend une réorientation de la politique économique très difficile et on continuera à vendre des produits agricoles. L'Afrique, comme on va le voir plus tard, connaîtra sa colonisation européenne plus tard vers la fin du XIXième siècle car c'est une région qui n'a pas de vraies îles de pénétration, des côtes inhospitalières et peu d'intérêt économique (si ce n'est en tant que fournisseur d'esclaves). Le Moyen Orient est une puissance avec laquelle l'Europe doit faire avec et l'Asie ne connaît vers 1760 que des territoires restreints de colonisation, ce qui va changer dès 1800. En 1830 le domaine colonial est huit fois plus peuplé qu'en 1760.



Tableau numéro 1: Domaine colonial de l'Europe

(population en millions et superficie en millions de km2)

Année Population de l'Europe Domaine colonial européen
Population Superficie
Vers 1760 125 27 24.2
1830 180 205 8.2
1880 244 315 24.5

Non compris la Russie d'Europe et ses possessions d'Asie. Source P. Bairoch



On a donc un double déplacement : on passe de l'Amérique vers l'Asie et de l'Espagne à l'Angleterre qui devient la première force colonisatrice à ce moment. (voir tableau numéro 2)

Pour ce qui est du taux d'exportation de ces régions il reste un indicateur de la colonisation et donc du sous développement économique. Vers 1790 on exporte plus ou moins 40.000 tonnes et vers 1910 ce nombre est multiplié par cinquante. Cette explosion des exportations est surtout due aux produits agricoles qui représentent 80% de la valeur d'exportations totale du Tiers Monde entre 1800/1945.



Tableau numéro 2: Domaine colonial par région et par pays



1760 1830
Superficie (millions de km2)
Amérique 23.7 1.3
Asie 0.4 3.7
Répartition par métropole (population en millions)
Espagne 18.8 4.3
Angleterre 2.7 18.9

Source: P. Bairoch



Il y a une hausse du ratio EXPORT/PNB qui passe de 2-4% en 1830 à 19-24% en 1913. Il y a un effacement partiel de la spécificité de l'Amérique latine non tempérée et du Moyen Orient. Vers 1790 on exportait beaucoup de sucre, coton brut, café, épices, thé, cacao, soie brute, indigo, tabac (métaux précieux, porcelaine moins). L'industrialisation de l'Europe, la hausse de son niveau de vie et la baisse des coûts de transports rendent possible un déversement des produits manufacturés européens dans les pays du Tiers Monde parallèlement à une hausse de la demande de produits agricoles tropicaux. Les produits de substitution comme le sucre de betterave en Europe vont peser fortement sur la valeur de la part du sucre dans les exportations du Tiers Monde. On constate une augmentation des produits céréaliers et l'apparition de nouveaux produits comme la jute, le caoutchouc et les oléagineux (en Inde aussi de l'opium). Ce qui est intéressant c'est de voir pourquoi il n'y a pas eu une transmission de la révolution industrielle au Tiers Monde avant le XXième siècle.



1.3. Pourquoi la révolution industrielle n'a pas touché tout le monde ?



Il faut avant tout tenir compte de l'écart entre les différentes parties du monde et les moyens de communication qui les relient. Un obstacle essentiel a certainement été l'esprit de fermeture des futurs pays du Tiers Monde, même quand ils étaient en avance sur les autres. L'Europe par contre était extrêmement ouverte. Pour ce qui est de la révolution agricole on peut dire qu'en Asie et au Moyen Orient l'agriculture était beaucoup plus avancé qu'en Europe. Un premier facteur important de non-transmission a été le climat de ces régions. Celui-ci est tropical voir inter tropical et a donc des conséquences négatives sur la fertilité des sols et sur les conditions humaines (maladies) et de travail (pénibilité). La révolution agricole avait eu lieu dans des régions à climats tempérés et on pouvait déjà rencontrer des difficultés de transmission de régions en régions à l'intérieur d'une même zone climatique. Il suffit de voir les différences entre le Nord et le Sud de l'Europe ou bien le Nord et le Sud d'Italie par exemple. De plus la révolution du blé n'avait pas de raisons d'être dans les rizières de l'Inde ou l'on pouvait avoir de deux à trois récoltes par an.

Un autre facteur est la forte densité de peuplement par rapport à l'Europe. Si on revient maintenant à celle industrielle on peut dire que le climat peut jouer sur la détérioration des matières premières, des produits finis et sur le transport, pas toujours facile dans des régions pluvieuses. Il freine aussi l'intensité du travail humain.

Pour ce qui est des écarts ils ne peuvent pas être considérés comme relevants à cette époque, et le flux d'information est faible vers ces régions, touchées par le pacte colonial qui empêche une tentative d'industrialisation et favorise plutôt la spécialisation à la production de produits agricoles tropicaux. List par exemple était favorable à une telle division du monde et les différentes spécialisations qui allaient en résulter mais rejetait toute exploitation de l'une des deux parties du monde. Malheureusement au début du XIXième siècle les pays développés avaient une telle productivité qui leur donnait la possibilité de concurrencer les produits locaux. On assiste à partir de là à une expansion du domaine colonial et à une désindustrialisation du Tiers Monde. Ce qui est frappant c'est de se rendre compte que les bénéfices pour l'Occident étaient très faibles par rapport aux dégâts. Leur croissance était même plus lente quand ils possédaient des colonies. De 1800-1938 on ne compte que 17% des exportations des pays développés qui allaient vers le Tiers Monde. Cela diffère naturellement selon le pays colonisateur et le secteur. Nous allons maintenant étudier l'évolution des différents continents cas par cas.



2. Les différents continents au XIXième siècle 

2.1. L'Amérique latine :

Nous n'allons pas tenir compte de l'Argentine, du Chili et de l'Uruguay. Ces pays font en effet parti de ceux à peuplement majoritairement européen et à climat plus tempéré. De plus l'Argentine, que nous traiterons à part, faisait à cette époque partie de ces pays extra-européens développés. C'est entre 1804/28 que ces pays deviennent tous indépendants et à partir de 1850 que les autres glissent vers le sous-développement. La première constatation c'est qu'il y a eu une inflation démographique entre 1850/1900 où la population s'est accrue plus du double. Le taux moyen annuel de croissance est de 1.7% contre les 0.5% du reste du Tiers Monde. L'immigration n'est responsable, dans cet accroissement, que de 5-7%. Ce qu'il faut encore dire c'est qu'en 1913 cette région ne représente que 6% de la population totale du Tiers Monde. Parallèlement à l'indépendance on a une baisse du commerce extérieur qui passe de 50% des exportations totales du Tiers Monde en 1830 à 39% en 1900. On peut dire que tout le développement de l'Amérique latine est caractérisé au XIXième siècle par six éléments importants. Le premier est la pénétration commerciale européenne qui s'accélère avec l'indépendance. Cette indépendance a même été soutenue par l'Angleterre pour contourner les monopoles espagnols et portugais. Il y a donc une augmentation de la demande de produits tropicaux et une désindustrialisation causée par une augmentation des importations de produits manufacturés européens. De plus la concurrence de l'Asie, l'Afrique et de certains produits de remplacement rendent la vie difficile à ces pays. L'exemple le plus connu est celui du sucre de betterave européen qui va baisser les prix et peser sur les exportations de l'Amérique latine même si la production en volume ne cesse d'augmenter. L'inflation démographique y joue son rôle. La valeur des exportations n'augmente pas dans la même proportion que celle des exportations. Le seul pays a maintenir sa place dans le commerce extérieur sera Cuba, cependant il ne deviendra lui indépendant qu'en 1898. Les autres pays voient leur part baisser de 38% à 5%.

Si l'abolition de la traite des esclaves a été du point de vue humain positif on ne peut pas dire la même chose pour ce qui est de l'économie. Les coûts de production augmentent, les conditions de vie se dégradent et on a des difficultés à étendre les cultures. L'immigration européenne vers ces régions progressera entre 1886/88-1888/92 de 31.000 à 149.000 personnes qui dans certains cas vont remplacer les esclaves. Puis il y a le fait que tous ces pays continuent sur la voie de la spécialisation, héritée lors de la colonisation. Des nouveaux produits apparaissent : le café, le cacao, les bananes et le caoutchouc et même si la production et l'exportation de ces biens va fortement augmenter, la part dans les exportations totales du Tiers Monde ne cessera de baisser car les autres pays progressent plus rapidement. On constate pour finir que la part des pays tempérés dans cette région n'est pas importante en ce qui concerne la population et la superficie mais bien pour ce qui est de l'afflux des capitaux et des exportations. Sur neuf milliards de $ investis dans la région plus de quatre sont destinés à ces trois pays. Et si on compare avec l'Asie, qui est onze fois plus peuplée, elle ne reçoit que sept milliards. Ces capitaux finissent surtout dans l'infrastructure, l'industrie et même l'agriculture.

Nous pouvons à présent voir quatre tentatives d'industrialisation. Le Brésil prendra des mesures à partir de 1808 pour développer la création d'entreprises industrielles et abolira les restrictions de production antérieures. Il y a même un embryon pour des industries textiles et sidérurgiques performantes qui s'installe. Des mesures comme l'ouverture des ports et les avantages douaniers aux produits anglais vont augmenter les importations et mener à une régression. Par la suite on ne suivra plus ces politiques et vers 1830 le secteur industriel moderne a presque disparut. Il faut dès lors attendre 1878 pour avoir les bases qui feront du Brésil en 1990 la douzième puissance industrielle du monde. Cette ascension se fera qu'après 1945 mais la position brésilienne dans le fil de coton, la chimie et la fonte est déjà bonne en 1900.

Le Mexique prend lui dès 1829 des mesures de protection pour les produits manufacturés et crée en 1830 même une banque de crédits pour favoriser l'expansion industrielle nationale. Celle-ci jouera un rôle clé dans le textile, qui sera très vite plus développé qu'en Italie, Espagne et Russie. Parallèlement il y a le développement de la sidérurgie, de la papeterie et des usines modernes de cordage. Mais vers 1850 la conséquence de la concurrence étrangère et le faible pouvoir d'achat des classes sociales va amener à la stagnation. S'en suit une période de troubles jusqu'en 1877 ou l'on a une deuxième tentative qui échouera aussi. Ce sera vers 1840 que le pays perdra l'avance qu'il avait sur les pays peu industrialisés de l'Europe et vers 1914 la misère y règne car peu de gens profitent de la richesse, la moitié de la population dépend des haciendas et 90% des paysans n'ont pas de terres propres. Ceci mène à la révolution de Zapata. En plus sa position géographique l'obligera à abandonner dès 1848 environ 40% de ses terres aux Etats-Unis qui interviennent sans gène périodiquement dans la région.

Le Paraguay était considéré comme l'un des Etats les plus riches, les plus unis et les plus puissants après les Etats-Unis, par les Américains en 1850. Et effectivement le pays connaît à partir de 1816 une politique originale qui touche tous les secteurs : économie, société, culture. On y brise le pouvoir de l'église et des notables et l'Etat s'approprie des terres pour les louer à des bas prix aux paysans. Ceci augmente les rendements et la diversification de la production. Le pays reste aussi en autarcie (blocus de l'Argentine) et la véritable période d'industrialisation moderne aura lieu entre 1852/64 (biens d'équipements). Mais une terrible guerre de 1864/70 contre une coalition formée par l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay va mettre un terme à cette tentative. La population passera de 750.000 à 250.000.

Pour la Colombie on s'inspire entre 1831/41 d'une école latino-américaine d'économistes peu connus dont List va cependant s'inspirer. On prône une action de l'Etat qui verra un essor rapide mais d'importance limitée dans des domaines diversifiés comme le textile, le papier, la sidérurgie et le verre. Après la guerre civile de 1839/42 on ne sût pas contrecarrer la spécialisation de la production et de l'exportation dans l'or et dans les produits tropicaux. Cette politique trop libérale fît régresser l'économie et l'industrie locale. Le pétrole jouera un rôle à partir de 1911.



2.2. L'Afrique :



On doit faire une distinction entre l'Afrique située au Nord et au Sud du Sahara. Pour ce qui est de l'Afrique noire (au Sud du Sahara sans l'Afrique du Sud) on peut dire que ses relations avec le reste du monde ont avant tout été marqué par la traite des esclaves et ceci déjà vers 1500. Et même si le traité de Vienne (1815) interdit à toute puissance du monde de pratiquer la traite d'esclaves on continue de le faire clandestinement. La première colonisation européenne de l'Afrique noire ne va se faire que vers 1880, pour des raisons géographiques, épidémiques, climatiques et économiques. La date clé est la conférence de Berlin du novembre 1884 qui partage le territoire en zones d'influence. Ceci augmentera le développement économique et à l'or et à l'ivoire vont s'ajouter le cacao, le café et les oléagineux. Les exportations augmentent rapidement et, comme en Asie, parallèlement au développement des lignes de chemins de fer. La colonisation prend différentes formes allant des compagnies à chartes, qui réapparaissent après plus d'un siècle (l'histoire d'Unilever remonte à cette période), aux plantations, dont l'importance et la prospérité dépendent des colonies, jusqu'aux économies de traite, qui joueront cependant un rôle plus faible. Le Congo belge sera par exemple exploité par une telle grande compagnie ainsi que la Rhodésie qui est en quelque sorte gouvernée par une société anglaise de Cecil Rhodes. Celui-ci essaie d'encourager l'immigration européenne et d'exploiter les mines de la région. Le Nigeria et l'Angola sont essentiellement des pays où règne le travail forcé dans les cultures de produits tropicaux sauf qu'au Nigeria ces cultures appartiennent aux autochtones et en Angola aux portugais. L'Angola connaîtra par ailleurs aussi une grande immigration portugaise qui dans le temps était un pays européen très pauvre. Pour ce qui est de ces cultures il reste à dire que les îles de Sao Tomé et Principe ont joué un rôle important dans la production de cacao et l'île Maurice et la Réunion dans celle du sucre. Enfin Madagascar est la seule tentative d'industrialisation précoce de cette région. Celle-ci est basée sur l'armement mais comme dans tous les autres pays son ouverture amènera au déclin économique.

Pour ce qui est des mesures positives il y a une amélioration de l'hygiène, de la médecine et de l'éducation. On peut y ajouter l'agronomie et les travaux d'infrastructures. Les caractéristiques sont une présence très faible d'européens, 0.2% de la population totale (9% au Maghreb et 20% en Afrique du Sud). Il y plus de pays participants à la colonisation, les temps de communication sont plus rapides et les mesures gouvernementales peuvent être appliquées plus rapidement.



2.3. Le Maghreb :



Le Maghreb connaissait un développement plus ou moins identique à celui européen au XVIième siècle. Cette région dépend de l'empire ottoman et ne connaît de relations commerciales que d'est en ouest. Une des raisons européennes invoquées pour coloniser cette région a été la lutte contre les pirateries. L'Algérie sera le premier pays en 1830 a être colonisé par la France. Le pays bascule alors vers une colonie de peuplement. On passe de 110.000 européens en 1847 à 580.000 en 1896. Ceci porte à une économie dualiste qui voit d'un côté les autochtones et de l'autre les Européens, qui possédaient 35% des terres labourables en 1914. Il y a une forte hausse des exportations qui en valeur passent de moins d'un million de $ en 1840 à plus ou moins cent millions de $ en 1913. La population totale progresse de 1.2% par an entre 1896/1936 après les fortes famines de 1850. Le Maroc quant à lui ne connaît aucune colonisation entre 1578/1912. En 1850 la population dépasse le sommet de 1700 et trois ans plus tard on ouvre le marché aux produits manufacturés anglais. Vers 1907 commence la colonisation française, pas encore totale, du pays. La Tunisie et la Libye connaissent aussi une colonisation tardive. La Tunisie sort d'une phase de croissance (1750/1814) et entre 1814-1881 elle souffrira de l'afflux des produits manufacturés européens ainsi que des interventions militaires pour contrecarrer les pirateries. La population n'évolue pas entre 1800 et 1880 et la tentative d'industrialisation de 1838/55 ne va pas aboutir. On aura une expropriation des sols plus faible qu'en Algérie et l'agriculture autochtone sera moins touchée. Les exportations seront des produits agricoles comme les céréales, le vin et des phosphates. La Libye connaîtra sa prospérité entre 1711 et 1820 grâce aux pirateries. L'Italie va annexer le pays dans le cadre de sa guerre contre la Turquie. Il y aura une main mise politique plus forte que dans les colonies françaises. En 1931 Mussolini va envoyer environ 150.000 italiens de Sicile et d'Ombrie pour exploiter les terres mais celles-ci s'avèrent peu fertiles. Le dernier pays de la région est l'Ethiopie dont l'histoire moderne commence vers 1855 avec la tentative de modernisation et unification du pays avec l'aide des anglais. En 1896 les Italiens essaieront de conquérir le pays mais vont subir une défaite dramatique. Certaines réformes auront lieu sous Ménélik II qui abolit l'esclavage, rend l'instruction obligatoire et fait construire la nouvelle Addis-Abeba. Mais sur le plan économique il n'y a pas de vraie suite à la tentative de 1855 et on n'a pas d'industries modernes ni vers 1914 ni vers 1938.



2.4. L'Asie :



C'est entre 1760 et 1912 que l'intervention européenne est la plus massive dans la région. La hausse de la consommation des produits asiatiques par l'Europe résulte d'une baisse des prix et des coûts maritimes. Mais vers 1750 les relations commerciales étaient très faibles en valeur pour différentes raisons : la distance géographique, les coûts maritimes élevés et le haut niveau techniques des industries de la plupart des pays d'Asie auxquels l'Europe n'avait rien à offrir. Ceci changera avec la révolution industrielle. En Inde on peut dire que ce sont les dominations étrangères qui ont amené à l'unité politique, à l'apogée économique et malheureusement aussi au déclin économique. Vers 1818 le pays se trouve sous domination directe ou protectorat britannique et on constate deux phénomènes. D'une part on a une intensification des échanges. On multiplie par 69 la valeur des exportations anglaises vers l'Inde et par 42 celle des importations anglaises en provenance de l'Inde entre 1750-1913. En plus il y a un changement de la structure des échanges. La guerre d'indépendance aux Etats-Unis va faire exploser la production de coton dans cette région car l'économie anglaise était basée sur le coton et devait donc trouver un autre livreur. Le gouvernement anglais va par la suite supprimer le monopole à la société des Indes et tout commerçant pourra dès lors traiter avec l'Inde. Conséquence logique : explosion des importations de produits manufacturés en coton qui passent d'un million de yards en 1814 à 2.050 millions de yards en 1890 et désindustrialisation locale presque totale dans le textile et la sidérurgie. La réindustrialisation débute vers 1860/70 et sera assez modeste mais elle permet en 1914 de satisfaire 28% de la consommation intérieure de coton. Un autre point positif c'est que les entreprises et les capitaux appartiennent aux autochtones. Le rôle négatif de la colonisation a été l'opposition à toute industrialisation du pays pour pouvoir profiter un maximum des avantages que l'on y avait. Ces avantages seront réduits vers 1922/23 ce qui fait qu'à la veille de la deuxième guerre mondiale 83% de la consommation locale est satisfaite par la production locale contre les 23% de 1914. Dans les chemins de fer on essaie aussi de donner les préférences aux producteurs occidentaux. L'expansion du chemin de fer n'est destinée qu'à accroître l'exportation de produits bruts et l'importation de produits manufacturés. De plus l'extension des cultures d'exportations a entraîné de nombreuses famines entre 1875/1900 qui ont coûté la vie à 26 millions de personnes. Par après on constate une inflation démographique accompagnée par un faible niveau de vie. Le seul domaine ou la colonisation a su jouer un rôle positif a été l'enseignement où l'on a un développement de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire.

La Chine est un pays qui connaît déjà entre 1700 et 1800 un taux annuel de croissance de l'ordre de 0.7-0.8% ce qui est un cas unique durant la période préindustrielle. Entre 1700-1770 on a aussi un développement agricole et industriel. De 1760-1780 on constate un essoufflement économique avec une progression de la population. Ce déclin économique favorisera la pénétration européenne. Le XIXième siècle est donc caractérisé par une ouverture forcée et la guerre de l'opium. L'opium a été la cause de deux guerres avec l'Angleterre qui ne voulait pas arrêter ce commerce avec la Chine même après l'interdiction des autorités chinoises. On va voir les conséquences que ces guerres auront pour la Chine car elle va en sortir vaincu deux fois. La première aboutira en 1842 au traité de Nankin qui contiendra différentes clauses, notamment de commerce, en faveur des anglais. En 1858 il y aura un autre traité, après la deuxième guerre, qui ouvrira de nombreux ports aux anglais et leur donnera le droit d'installation et de commerce à l'intérieur du pays. Il y aura un recul du pouvoir central chinois qui s'accentuera avec la guerre sino-japonaise de 1895. L'ouverture est forcée mais le fait que le pays reste politiquement indépendant fait que l'on peut freiner les importations. L'agriculture est en déclin ce qui baisse la croissance démographique. Elle passe de 0.7-0.8% à 0.2% par an dans le XIXième siècle. Pour l'industrie le déclin est moins prononcé car la pénétration est plus tardive, l'industrie moderne va apparaître quelques années après la désindustrialisation. Ce n'est donc pas une vraie colonie comme l'Inde. Certains secteurs seront plus touchés que d'autres. La réindustrialisation se fait à partir de 1850 dans l'armement et se poursuit en 1870 avec des formes d'organisation originales. On crée des entreprises industrielles, commerciales et de transport où le capital est à la fois public et privé et où la direction est assumée par un fonctionnaire ou par une personne désignée par l'Etat. L'initiative personnelle sera aussi très développées et les investissements et entrepreneurs étrangers seront attirés. Mais le niveau reste assez embryonnaire surtout par rapport à l'Inde. Sur le plan de l'éducation on fait aussi des efforts.

Les autres pays ont tous leur spécificité. L'Indonésie est une colonie néerlandaise d'où proviennent les systèmes de cultures forcées du café, du sucre et du thé. La population augmente de 1.7% par an entre 1850-1900. A partir de 1880 elle devient importatrice nette de céréales. Le Cylan (Sri Lanka) est entre 1870/80 le 3-4ième producteur mondial de café et lors de la maladie du café on s'est très vite reconvertit au thé. Au XXième siècle apparaîtront les cultures de caoutchouc. Les Philippines, l'Indochine et la Corée sont aussi des colonies de cultures. Le seul fait marquant s'est que la Corée est une colonie japonaise dont les cultures furent crées pour approvisionner le Japon. Pour ce qui est de la Thaïlande on a de nouveau un de ces pays qui, après l'ouverture, va subir une désindustrialisation. L'agriculture et l'éducation y sont très développées. On attribue même des subsides aux jeunes pour qu'ils partent à l'étranger.



2.5. Le Moyen Orient :



Il y a deux aspects important de la vie économique du XIXième siècle. Le premier c'est ces fameuses 'capitulations', mot qui vient de 'chapitre' et non de 'capituler'. Ce sont des traités donnés ou accordés par les Etats de civilisation musulmane offrant un statut d'extra-territorialité à des sujets étrangers ou non musulman. Donc une sorte de discrimination envers les étrangers. Ils prirent progressivement la forme de véritables traités de commerce ce qui était un moyen non négligeable de pénétration. Le deuxième c'est la régression de l'importance commerciale après les découvertes de l'Amérique comme partenaire et de la route maritime directe vers l'Asie. Les Anglais vont y exporter dès le XIXième siècle des quantités croissantes. En 1838 le traité anglo-turc supprime toutes les taxes, prohibitions d'importations, et monopoles de ventes de citoyens ottomans. Ceci aura naturellement comme conséquence le déclin de l'industrie locale. Tous les efforts que l'on va entreprendre pour moderniser la région ne vont pas aboutir car les importations des produits anglais vont doubler entre 1862/71 et pour ne pas dégrader la balance de paiements on s'en sort avec la production de produits bruts. Ceci fait glisser la région vers une structure de pays sous développé et vers 1911 elle n'est même plus un débouché pour les Européens car, en raison du développement économique, les marchés européens sont plus importants. Deux cas spéciaux de cette région sont l'Egypte et la Perse. L'Egypte connaît entre 1809/48 une réforme agraire pendant laquelle on découvre le coton à longue fibre et dont les ressources vont financer l'industrialisation. On investira beaucoup dans l'armement et l'enseignement et on essaiera de contourner les 'capitulations' s'appliquant au pays en favorisant les produits locaux. Les causes de l'échec égyptien sont le traité anglo-turc de 1839 qui ouvre d'avantage le pays, la défaite militaire après laquelle on devra réorganiser toute l'armée (premier débouché national jusque là) et les mauvaises conditions climatiques. L'ouverture du canal de Suez et la mise en route d'un vaste programme de travaux publics financés par des emprunts anglais, à des taux quasi usuraires, vont alourdir la dette et aboutir à l'intervention militaire anglaise en 1882. Vers 1910 le pays est dépourvu de toute industrie moderne et la spécialisation dans le coton, même si à l'époque elle rapporte au pays, va avoir des conséquences négatives. Entre 1850-1910 on a aussi un taux de croissance annuel de la population (1.3%) proche de l'inflation démographique. Enfin la Perse. La période de 1797/1835 sera une période d'amélioration par rapport au siècle précédent. Dès 1812 on envoie des jeunes en Angleterre pour qu'ils aient une formation technique. Ces jeunes joueront un rôle important après 1833. La sidérurgie fournira surtout l'armée. De 1848/51 on assainit les finances et réorganise l'armée mais ici aussi on n'aboutit à aucune vraie industrialisation du pays. Le Moyen Orient en soit est colonisé assez tardivement par les Européens et seulement lorsque l'on y découvre le pétrole. Les causes sont essentiellement la présence de l'empire ottoman et le faible intérêt économique que présente la région. Après la première guerre mondiale on divise l'empire ottoman, allié de l'Allemagne, entre l'Angleterre, la France et la Russie. Mais ces colonisations n'auront pas de vraies conséquences.









2.6. Les cas spéciaux de l'Argentine, du Japon et de l'Australie :



L'Argentine est en fait l'un des trois pays tempérés de l'Amérique latine et ce qui la distingue, avec le Chili et l'Uruguay, du Japon et de l'Australie est son destin. Après la première guerre mondiale ces trois pays latino-américains vont glisser vers le sous développement tandis que le Japon et l'Australie deviendront des pays industrialisés.



Tableau numéro 3: Part combinée de l'Argentine, du Chili et de l'Uruguay dans l'Amérique latine (en pourcentage)



Années Population Exportation
1800 5 14
1850 6 16
1870 9 19
1900 11 38

Source: P. Bairoch - sur base de 100 en GB en 1900



L'Argentine est donc un pays à peuplement européen qui a supplanté les autochtones. La densité de population y est très faible. Pour ce qui est du développement, et du peuplement, il résulte essentiellement de la révolution industrielle en Europe. L'Argentine est vers 1913 parmi les six à neuf pays les plus riches du monde et connaît dans l'agriculture une productivité supérieure à celle des Etats-Unis et se place juste derrière celle de la Nouvelle-Zélande. Cette position elle la doit surtout à un élevage important et des cultures céréalières très extensives. Comme comparaison on peut citer l'exemple du nombre d'hectares de terre agricole que chaque actif agricole masculin possède. Ce nombre est de 230 hectares en Argentine de 26 aux Etats-Unis et 7 en France. Le fait que le pays ait cependant connu un peuplement et développement assez lent (il ne commence que vers 1860) est du à des facteurs externes comme l'importance des coûts de transports et des facteurs internes comme la dictature de Rosas entre 1823-53, qui fût brutale mais permit de garder le pays unifié. Ce qui caractérise le pays à partir de 1850 est le passage de la concentration de la population du pays du Nord vers le Sud et les taux de croissance de la population et du commerce extérieur les plus forts même à l'intérieur de l'ensemble des pays de peuplement européen. Entre 1860 et 1913 on compte environ 5 millions d'immigrants qui sont en fait une conséquence logique de l'ouverture de la vaste pampa au peuplement européen. Cette exploitation de la pampa fera du pays l'un des plus grands exportateurs du monde de céréales. Il y aura aussi une extension de l'utilisation de machines agricoles et vers 1909/11 les exportations se composent de 99% de céréales et produits animaux. C'est la mise au point des navires frigorifiques (1877) qui permettra d'avoir un essor de ces produits animaux. La viande multiplie par treize son volume d'exportations. Parallèlement à cet essor agricole le pays essaie une politique d'industrialisation qui se base sur des tarifs protectionnistes pour les articles manufacturés et des avantages fiscaux pour le secteur de la consommation. Le grand manque est un développement du secteur chimique et métallurgique. En plus le pays ne possède pas énormément de matières premières. Ceci explique un peu les difficultés que le pays rencontrera après la première guerre mondiale même si en 1913 son PNB par habitant est supérieur à celui de pays comme l'Italie, la Russie ou l'Autriche-Hongrie.

L'Australie est située géographiquement très loin, ce qui implique des coûts de transports très élevés pour l'époque (le Japon n'est pas encore son principale partenaire au XIXième siècle). Au début on utilise le pays comme un pénitencier dont la main-d'�uvre est utilisée dans l'exploitation agricole. On décime pratiquement la population autochtone et ce n'est qu'avec l'implantation des moutons que la vraie colonisation prend place. En effet la forte demande européenne fait passer les cheptels de 10 millions en 1850 à 106 millions en 1891 date à laquelle il y a une grande sécheresse. Un autre événement fût la découverte de l'or qui augmenta la population et fît du pays entre 1852/64 avec 42% de la production d'or mondiale le premier producteur au monde. Mais vu que cette découverte resta assez éphémère il y eut une hausse du chômage, des troubles sociaux et une politique d'industrialisation pour contrecarrer ces phénomènes. On commence par arrêter l'immigration et dès 1867 le pays, même s'il n'est pas des plus industrialisés, l'est plus que certains pays retardataires européens. Mais parallèlement l'exportation massive de céréales, rendue possible grâce à la baisse des coûts de transports, la hausse de la demande européenne et des moissonneuses très au point permet au pays d'avoir un PNB par habitant supérieur à celui de l'Angleterre et de prendre donc la position de 'leader' dans ce domaine. Il y aura un petit recul vers 1890 à cause des raisons climatiques citées plus haut mais le pays restera un 'paradis pour l'ouvrier'.

Le Japon a quant à lui bénéficié de plusieurs atouts au XIXième siècle qui ont fait qu'il a pu devenir une puissance mondiale. Il connaît un climat tempéré qui l'empêche d'avoir des produits tropicaux, même si son agriculture est différente de celle européenne (riz, élevage et pêche). C'est le pays d'Asie le plus éloigné de l'Europe et bien que ces produits manufacturés ne soient pas en retard par rapport à ceux de la Chine par exemple ils ne sont pas aussi bons. Ce n'était donc ni une bonne source ni un bon débouché pour les Européens qui n'ont pas essayé de coloniser le pays. S'ajoute à cela que le pays est resté très longtemps fermé et ce n'est que vers 1853, après une cinquantaine d'échecs, que les Etats-Unis réussissent par un traité à s'ouvrir deux ports au Japon. Le pays possède un véritable marché national monétisé et urbanisé sous le contrôle de samouraïs transformés en bureaucrates. On aura une réorganisation de l'agriculture et une expansion de l'enseignement déjà vers 1858. Mais l'ouverture s'accompagne d'un renforcement de l'armée, d'une hyperinflation du fait que l'or y est moins cher et d'un mouvement de révolte des shoguns et des samouraïs. Ceci aboutit en 1867 a réinstaurer le pouvoir à l'empereur au dépens du shogoun et à l'ère Meiji. On décide d'industrialiser le pays et de mettre fin au féodalisme pour pouvoir rester indépendant. Les mesures qui amènent à une croissance rapide malgré l'absence de matières premières sont prises sur trois niveaux.



On modifie le système de taxation agraire en introduisant une taxe fixe au lieu de proportionnelle ce qui dégage des excédents qui seront utilisés dans l'industrie et on émancipe les paysans.

L'Etat crée des industries dans des secteurs où il pense que le privé ne pourrait survivre et revend ces mêmes industries quelques années plus tard au privé. Après la vente on recommence le processus. L'Etat favorisait beaucoup les grands groupes d'entreprises (les zaïbatsu). Autre caractéristique ici est le fait que l'on s'appuie sur de la main-d'�uvre locale en assimilant des techniques nouvelles des occidentaux.

Avec la révolution Meiji on transforme le système scolaire primaire, secondaire et universitaire, très bon déjà avant, sur le modèle occidental. Le but est de rattraper l'occident avec une forte composante nationaliste. En 1913 on a des taux de scolarisation dans le secondaire de 23% contre les 5% en Europe et un taux universitaire un cinquième plus élevé que celui en Europe.



Vers 1914 le Japon n'est pas encore une vraie puissance industrielle. Il se trouve proche à des pays comme la Russie et l'Italie. On verra qu'il profitera de la première guerre mondiale pour développer sa croissance sur l'exportation.



3. Conclusion et annexe de tableaux



Le XIXième siècle a donc été un siècle qui s'est principalement caractérisé par une forte exploitation européenne sur l'Asie, l'Afrique et le Moyen Orient. On constate que toutes ces régions n'ont connu aucune croissance économique relevante et ont glissé vers un sous développement dramatique qui les frappe toujours de nos jours. Pour ce qui est de l'Amérique latine on a vu que dès 1808 les premiers pays ont réussi à gagner leur indépendance. Malheureusement leur sort n'a pas été très différent de celui des autres régions. Dès que ces pays s'ouvraient au commerce extérieur les conséquences étaient dramatiques. Pour pouvoir subsister ils devaient continuer dans la spécialisation agricole de production de produits tropicaux et devenaient pour le reste toujours plus dépendants des européens ou d'autres puissances économiques (celles-ci étaient bien peu nombreuses pendant ce siècle, ce qui changera au XXième siècle). Il faut cependant rappeler les cas spéciaux des pays comme le Chili, l'Uruguay et l'Argentine dans cette partie du globe et de l'Australie, du Japon et de la Nouvelle-Zélande dans l'autre partie. Tous ces pays ont profité de certaines caractéristiques et ont su se maintenir pendant ce siècle à un niveau assez élevé. Leur destin sera cependant divergent au XXième siècle. Un des seuls points vraiment positif de cette ère de colonisation et d'exploitation peut se retrouver dans l'enseignement. Celui-ci a en effet progressé dans ces régions de façon assez positive. On peut dire la même chose à propos de l'hygiène, la médecine et de certains travaux d'aménagement. Globalement on ne peut donc pas dire que ça a été un des meilleurs siècles pour les pays du reste du monde. Pour certains d'entre eux le XXième siècle sera même encore pire.





Bibliographie:



Bairoch Paul, 1977, Victoires et déboires I-II, Coll. Histoire, Folio, Gallimard, Paris

Bairoch Paul, 1994, Mythes et paradoxes de l'histoire économique, La Découverte

Lesourd J.A. & Gérard C., 1976, Nouvelle Histoire économique: tome I - le XIXième siècle, Armand Collin

Encyclopaedia Universalis, 1997



Annexe : Tableaux complémentaires





Tableau numéro 4: Comparaison des PNB dans le Tiers Monde et dans les pays développés, 1750-1913





Année Tiers Monde Pays développés
1750 112 35
1800 137 47
1830 150 67
1860 159 118
1900 184 297
1913 217 430

Source: P. Bairoch - en prix et dollars américains de 1960







Tableau numéro 5: Niveau d'industrialisation du Tiers Monde et des pays développés, 1750-1913



Années Tiers Monde Pays développés
1750 93 34
1800 99 47
1830 112 73
1860 83 143
1900 60 481
1913 70 863

Source: P. Bairoch - base de 100 en GB en 1900



Tableau numéro 6: Répartition par type de produits des exportations du Tiers Monde, 1815-1914 (en pourcentage)



Matières premières 27.9
- de l'industrie textile 16.9
- de l'industrie métallurgique 2.3
- énergie 0.9
Autres produits non alimentaires 4.9
Denrées alimentaires 42.8
Produits manufacturés 9.1
Autres 9.9
- opium 2.8
- or et argent 3.8

Source: P. Bairoch